Tir groupé : prix des auditeurs de la RTS 2023 - 1
source : deco.fr |
Mi-novembre dernier, j'ai eu la chance d'être retenue pour faire partie du jury 2023 pour le prix des auditeurs de la Radio télévision suisse (RTS) qui, pour la première fois fonctionne un peu différemment. A savoir que le jury ne lit pas uniquement les six titres retenus par les journalistes mais participe à toute la sélection sur l'année. Au programme donc, une quarantaine de romans à lire d'ici à novembre prochain. Des auteurs suisses ou vivant en Suisse exclusivement. Je vous présente ci-dessous les huit premiers titres reçus début décembre et qui seront débattus lors de première séance du jury, jeudi prochain.
En attendant Heidi - Isabel Garcia Gomez
Quelque part dans un hôtel des alpes suisses, Alice passe le temps en attendant l'arrivée de Heidi. Peu à peu, on comprend qu'Alice a dû abandonner sa carrière de danseuse suite à un accident et qu'elle est devenue l'assistante d'Heidi, une chorégraphe. Elle observe les clients, le personnel.
L'écriture n'est pas avare de description, notamment de l'architecture de l'hôtel - qui, soit dit en passant, m'a paru un peu farfelue (c'est l'architecte qui parle). L'auteur est travaille dans un musée d'ethnographie; c'est peut-être une influence. Mais pour ma part, j'aurais préféré des personnages plus développés et un décor plus en retrait. Je suis restée sur ma faim et n'ai pas vraiment saisi ce qu'attend en définitive Alice. Dommage.
(éd. de l'Aire, 144 pp., 2022)
Malencontre - Jérôme Meizoz
Le narrateur de ce roman cherche à savoir ce qui est arrivé à Rosalba, son amour d'adolescent. Et ce qui aurait pu se passer si elle avait répondu à ses désirs.
J'ai tout de suite embarquée dans l'histoire, à vouloir connaître la suite - ce qui est bien aidé par les chapitres très courts, une écriture fluide et belle, et une construction vaguement "polar" et parfois journalistique. Si une seconde partie plus consacrée au narrateur (surnommé "le Chinois") m'a moins emballée, j'ai aimé aussi l'ancrage dans avec le lieu, le Valais.
Le titre est intriguant. Faut-il comprendre que Rosalba n'a pas fait une bonne rencontre en entrant de la famille de son mari ? Ou une manière de parler d'une rencontre imaginaire entre le narrateur et Rosalba. Il apporte une touche de mystère, une atmosphère qui oscille entre réel et irréel.
J'ai beaucoup aimé. C'est clairement mon préféré de cette première sélection.
(éd. Zoé, 160 pp., 2022)
Willibad - Gabriella Zalapì
Mara cherche à savoir ce qui est advenu du tableau Le sacrifice d'Abraham, un tableau acquis par son grand-père dans les années 20 et qu'il a confié à Antonia, sa fille, lorsqu'il a fuit Vienne en 1938. Et pourquoi, de toute sa collection, c'est ce tableau précisément auquel il tenait le plus.
De Zalapì, j'avais lu Antonia, son premier roman dont le personnage réapparaît donc ici mais en second plan. Elle reprend le principe du roman bio-historico-généalogique et les thèmes qui occupaient déjà Antonia : la mémoire, le passé, les relations familiales.
Un roman avec un tableau en son centre ne pouvait que m'attirer même si, comme pour le premier, malgré une écriture aérienne, les personnages ne sont que trop effleurés à mon goût.
(éd. Zoé, 160 pp., 2022)
Les quatre sœurs Berger - Alice Bottarelli
On reste dans le thème de la famille et la mémoire avec ce premier roman. Le pitch de base, quatre sœurs qui, à la mort de leur mère, se retrouve au chalet familial pour en faire le tri, m'a plu. Si, une fois de plus, j'ai regretté le peu de description physique des personnages - je n'arrivais pas vraiment à me les représenter -, on comprend bien la psychologie et le caractère très différent de chacune des sœurs. J'aurais toutefois trouvé intéressant qu'il y ait un (ou plusieurs) frère(s) dans la fratrie; cela aurait pu donner une dynamique autre. Certains passage sont en italique. Est-on dans l'esprit de l'une des sœurs ? Je ne sais pas; c'est resté assez mystérieux pour moi. Une lecture agréable mais qui ne me marquera pas pour autant.
(éd. de l'Aire, 256 pp., 2022)
Il n'y a pas d'arc-en-ciel au paradis - Nétonon Noël Ndjékéry
Le récit dense de la traite négrière au Tchad sur deux cent ans. Un roman qui m'a posé un problème dans le sens où j'ai trouvé l'écriture très intéressante, qui se démarque, même si elle n'est pas toujours facile à cause de beaucoup de mots inconnus, mais une histoire qui, je le dis franchement, m'a ennuyée. Je n'ai pas réussi à m'intéresser aux personnages. Peut-être que cela est partiellement dû au fait que le contexte m'est complètement inconnu. Peut-être aussi à cause du sujet quand même dur de esclavagisme, de sa violence. Pourtant, l'écriture est belle, poétique, parfois contemplative.
(éd. Helice Helas, 376 pp., 2022)
Sa préférée - Sarah Jollien-Fardel
Je vais être honnête : je m'attendais un peu à devoir lire ce roman et ça m'emmerdait d'avance. Pourquoi ? Parce que moi, plus on parle d'un roman, moins j'ai envie de le lire. Mais je dois reconnaître que j'ai beaucoup aimé. D'une part, c'était beaucoup moins violent que ce à quoi je m'attendais, et d'autre part, j'ai apprécié que l'histoire soit racontée au passé et non pas avec le discours d'une personnage que l'on suit de l'enfance à l'âge adulte. Que l'histoire ne tourne pas uniquement autour de ce père brutal mais aussi de la vie d'une jeune femme qui a quitté sa famille, son Valais natal, pour tenter de s'épanouir et s'ouvrir à la vie à Lausanne. Que la mère - et la sœur aînée, malgré le tragique qui lui est lié - jouent un rôle important dans le récit. Que Jeanne, la narratrice comprend qu'elle-même n'est pas à l'abri de tanguer vers la violence.
Le roman est bien sûr assez dure psychologiquement mais il est bien construit et ses personnages sont intéressants, y compris le père. J'ai apprécié aussi le thème de la sexualité féminine. La langue est simple, élégante mais proche avec plusieurs mots du patois valaisan.
(éd. Sabine Wespieser, 208 pp., 2022)
Luanne, sur la route avec Neal Cassady et Jack Kerouac - Jean-François Duval
Un roman très documenté qui éclaire deux figures de la beat generation au travers des yeux de LuAnne Henderson, la "Marylou" de Sur la route. Le travail de Duval est clairement à saluer mais je n'ai pas réussi à m'y intéresser malgré un style très dynamique grâce à l'usage du "tu" - LuAnn s'adresse à Duval. Franchement ? Je me suis ennuyée; mais il faut dire que la beat generation, moi, bof...
(éd. Gallimard, 352 pp., 2022)
Le pas de la demi-lune - David Bosc
Je termine avec ma grande déception. Je n'avais jamais lu Bosc mais entendu parler de lui et de son roman sur Courbet; je me réjouissais donc de le lire. Au niveau de l'écriture, très poétique, contemplative, je n'ai pas été déçue. Et si la temporalité n'est pas clairement définie ni le lieu, bon, passe encore. Mais je n'ai pas compris ce que cherche le narrateur, le but de son voyage; seulement gravir le Pas de la demie lune, une montagne près de Marseille, et y contempler la lune ? Ses réflexions, ses rencontres m'ont ennuyées. Pourtant, l'écriture est belle - en particulier les descriptions de paysages - et j'ai vraiment essayer d'aimer ce roman, mais il m'a fallu trois semaines pour venir à bout de ses 192 pages alors que j'aurais dû le terminer en trois ou quatre jours.
(éd. Vernier, 192 pp., 2022)
Avez-vous lu certains de ces romans ? Dites-moi ce que vous en avez pensé.
Commentaires
je ne suis plus active sur mon blog moi non plus, car je lis aussi beaucoup et peu envie d'écrire -
je te souhaite une heureuse année de lectures
Bonnes lectures à toi, en tout cas !