A l'amour, à la mort - Tasha Rumley

source: site éditeur - photo de Niels Ackermann

J'annonce tout de suite la couleur : ce recueil de nouvelles est un gros coup de cœur. Dès le premier (et très court récit), j'avais accroché au style de l'auteur, et la suite s'est révélée tout à fait à la hauteur. Une auteur à suivre, sans aucun doute.

Ce recueil, tout comme I am, I am, I am de Maggie O'Farrell chroniqué récemment, fait intervenir la mort à chaque récit. Ce ne sont donc pas des nouvelles joyeuses et légères mais elles valent vraiment le détour. Car y intervient à chaque fois aussi l'amour. Et surtout, l'écriture est superbe, très évocatrice, à la fois subtile et poétique; elle m'a vraiment séduite.

J'ai particulièrement aimé le second récit, "L'heure morte" qui est aussi un des plus longs (une quarantaine de pages). L'histoire d'une amitié entre deux femmes. La narratrice offre à Aygul, une stagiaire du Kirghizstan, de vivre avec elle en colocation. Deux cultures qui s'opposent, qui les séparent mais se aussi se complètent, et qui débouchent sur une belle amitié. Aygul découvre la culture suisse et finit par "prendre son envol" et, littéralement, partir vers d'autres lieux. Leur relation se distend - jusqu'au drame mais une fin superbe.

Est-ce qu'elle a réalisé que c'était le solstice d'été ? Quand je repense au précédent, celui qu'on avait célébré ensemble dans le parc de Mon Repos, Aygul couverte de breloques étincelantes dans le soleil tombant de juin, chamane du crépuscule, à la fois purifiée à sa sortie du Ramadan et blasphématrice en figure de Gaïa, dans les pieds noirs et nus au son de la bachata des voisins de pique-nique, je plante mes ongles au plus profond de mes paumes. Je me repasse le film en entier et le solstice 2018 s'érige comme le sommet de notre amitié, l'euphorie victorieuse avant que le mouvement nous fasse dégringoler bien plus vite que nous étions montées. Un an, un an suffit pour chuter du paradis jusqu'au fond de l'abîme. (pp. 59-60)
A 4 heures du matin, pour l'insomniaque, il fait nuit depuis toujours. A 4 heures du matin, pour le désespéré, le soleil est encore si loin qu'il ne sera plus jamais demain. 4 heures du matin, l'heure morte, c'est ainsi qu'on la nomme. (p. 62)

(Bernard Campiche éditeur, 196 pp., 2022)

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