Légèrement seul - Daniel de Roulet

Pour célébrer les 1400 ans (en 2012) de la fondation de l’abbaye de Saint-Gall (Suisse), Daniel de Roulet et quelques amis ont refait le chemin emprunté par le moine Gall depuis l’Irlande pour venir sur le continent et fonder des monastères. 

Le texte de ce livre est le récit des vingt-cinq jours de marche effectués seul par l’auteur de Saint-Malo à Soissons. Le journal de ce périple est assez brut, un style lucide qui colle à la réalité des lieux traversés, mélange de villages désertés, de friches urbaines, de nature, d’asphalte et de sentiers – pas vraiment l’image que l’on a de la Normandie. Mais c’est aussi l’occasion pour l’auteur d’évoquer l’actualité (le récit débute juste avant l’élection présidentielle), la littérature (notamment avec Flaubert et Mme Bovary dont il traverse le village), de monuments.  

« Parmi les questions que je tais, il a celle que d’autres se seraient posée en premier. Pourquoi suivre les traces de moines du VIe siècle ? Cette question peut recevoir une réponse religieuse, ce n’est pas mon cas. Bien qu’élevé par un père pasteur protestant, je ne suis pas croyant. Une réponse politique alors ? Le pape actuel en 2008 a décrété Colomban saint européen, voulant dire par là que l’Europe n’est qu’une terre chrétienne. Cela non plus, je ne le crois pas. Une réponse historique peut-être, parce que je m’intéresserais à cette civilisation celtique qui, après avoir couvert l’Europe, se serait retirée en Irlande avant de christianiser à nouveau le continent ? Cette querelle d’historiens me laisse froid. Alors pourquoi refaire ce parcours mille quatre cents ans plus tard ? Ce qui me fascine : l’écoulement du temps. J’aime me mettre dans la position d’un ancien, par exemple écrivain, essayer de retrouver ce qu’il voyait pour le mettre en rapport avec ce que je vois. Quand Stendhal allait de Paris à Rome, il mettait à peu près le même temps qu’avait mis Jules Césard, la vitesse du cheval n’a pas changé. De même à pied, Rousseau allant de Genève à Turin met à peu près le même temps qu’on mettait cinq cent ans plus tôt. La durée du voyage ne s’est contractée qu’à partir de l’ivnention du chemin de fer, de l’automobile et de l’avion. Désormai de Paris on atteint Rome et on en revient dans la même journée. Voilà pourquoi le temps du voyage à pied, incompressible lui, fascine.  (pp. 98-99)

J'ai bien aimé !


Daniel de Roulet (né en 1944 à Genève) a étudié l’architecture puis s’est occupé de la programmation d’ordinateurs tout en écrivant et en courant (voir son essai Esthétique de la course à pied, 2010). Depuis le début des années 90, il a publié plusieurs romans et essais (notamment sur le nucléaire) qui ont obtenu de nombreux prix, sélections, bourses. 

J’avais lu et beaucoup aimé son roman Kamikaze Mozart (2007). 

(éd. Phébus, 151 p., 2013)

Commentaires

keisha a dit…
Une histoire de marche, que je ne connaissais pas...

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