Sarasqueta - Chaïm Helka

source: site éditeur

La pulsation des grillons assiégeait de nouveau ses oreilles. La soif lui fit une malfaisante déclaration d'amour à coups de lèvres croûtées de sel et de plissures rêches dans son palais. Pugnace, la vie se cramponnait à lui. Faim et faiblesse voyageaient en ses profondeurs, vagabonds éméchés qui se cognaient partout, le piétinaient, absorbaient ses forces, tétaient ses sucs à en assécher la moindre réserve. (p. 123)

Espagne, 1936. Alfonso se prépare pour son heure de chasse hebdomadaire après une journée de dur labeur, sous un soleil écrasant. Mais apparaît au loin un mystérieux homme en noir, le fusil à la main, qui commence par abattre le chien et la mule d'Alfonso. Mais celui-ci comprend rapidement que la vraie cible, c'est lui. Pourquoi ? Qui est cet homme qui le salut régulièrement d'une manière amicale ? Une traque s'engage. Rapidement blessé, Alfonso se cramponne à son sarasqueta [son fusil] et à la vie, tout en se remémorant ses années passées. A-t-il fauté ? Pourquoi s'en prend-on à lui ?

Voici typiquement le genre de livre que, si on ne me l'avait pas videment recommandé et prêté, je n'aurais jamais lu. Mais quelle surprise ! J'ai été totalement envoûtée par ce court roman, à la fois âpre, dur et poétique. L'écriture est très belle et la fin, surprenante et ouverte, ne gâche rien.

L'aube et ses chatoyantes zébrures orangées recueillaient les premiers chants des cigales.
Faim, soif, fièvre, fatigue.
L'homme en noir et sans visage le saluait. Cela durait depuis quatre jours et durerait tant que son sang ne serait pas vicié dans sa totalité.
Alfonso dénoua le morceau de tissu à sa jambe. Fibres et chair s'entremêlaient. En tirant à peine, il reçut un coup de poignard. La viande, ramollie par le cocon, s'accrochait, intriquée dans le lacis. Il aurait fallu arracher, mais ce courage-là lui fit défaut. Il renoua le bandeau, reprit son bâton-fusil de pèlerin sans destination, sans lieu saint où terminer sa marche sauf dans cette sépulture de pierre à ciel ouvert, là où gîterait bientôt un anonyme acquis à la poussière.
(p. 108)

Chaïm Helka (né en 1975) vit et travaille à Dijon.

(éd. La Manufacture de Livres, 138 pp., 2021)

Commentaires

Kathel a dit…
Je découvre ce roman, et je le note, tu sembles subjuguée !
lewerentz a dit…
Oui Kathel, il est vraiment top! Tu me rediras.

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