Daniel Kehlmann - Tu aurais dû t'en aller
Un scénariste loue une maison isolée dans les montagnes allemandes pour tenter d'avancer sur son scénario en cours et, accessoirement, prendre un nouveau départ avec son épouse. Accompagnés de leur fillette de quatre ans, leur séjour tourne rapidement à l'étrange pour le narrateur avec des hallucinations et apparitions, des écrits inconnus qui surgissent dans son script, et une maison qui semble bouger, déplacer ses pièces, s'étirer au point qu'il devient difficile d'en sortir. Le lieu est-il vraiment chargé d'une histoire maléfique qui retient prisonniers un à un ses différents occupants, ou est-ce le narrateur qui perd pied avec la réalité ?
Voilà que ça se produit de nouveau.
C'est sûrement une illusion d'
Mais elle dure. Je la vois. Je la vois encore maintenant. Note-la. Il faut que je la photographie, mais je ne sais pas où j'ai mis mon
Donc, je suis assis à la grande table, dehors le soir tombe, on distingue nettement le reflet de la pièce: frigo, plaques de cuisson, table de cuisine, la porte donnant sur le couloir, l'écran plat, le canapé gris-vert, la lampe au-dessus de la table, la table elle-même, la chaise devant. Je vois aussi le sac plastique dans lequel se trouvaient mes achats à l'instant, il est froissé sur la table de la cuisine. Je vois un verre vide à côté du sac froissé - ici dans la pièce, là-bas dans le reflet.
Mais moi, je ne me vois pas. Dans le reflet du salon, il n'y a personne.
Doucement, regarde bien. Si tu regardes bien et que tu notes tout, tu vas finir par
Je ne devrais pas voir la poignée de la porte du salon puisque je suis assis entre elle et la fenêtre, je devrais la cacher et pourtant elle est là! Je vois aussi le dossier de ma chaise et le dessus de table sur lequel je m'appuie. Et le carnet ouvert. Je pose la main dessus. Maintenant on ne devrait plus le voir. Or, je le vois en entier. La pièce qui se reflète dans la vitre est déserte. Comme avant-hier. Mais avant-hier, ce n'était qu'un instant, alors que cette fois, ça dure.
ça dure encore.
Et encore. (pp. 33-34)
Si j'ai beaucoup aimé le style et l'écriture, l'intrigue, pourtant prometteuse, n'a, pour moi, que partiellement tenu ses promesses. J'ai aimé l'histoire et la chute mais j'avoue que je m'attendais à plus de tension, de peur.
Un auteur, toutefois, que j'ai bien l'intention de découvrir plus avant; des suggestions ?
(éd. Actes Sud, Du hättest gehen sollen traduit par Juliette Aubert, 96 pp., février 2021)
Commentaires
Sinon, de l'auteur, je peux te recommander Les arpenteurs du monde, un roman historique ou Gloire, "un roman en neuf histoires", aux confins de la nouvelle et du roman...