Une mesure de trop - Alain Claude Sulzer


Marek Olsberg, pianiste de renommée internationale, enfant prodige, parcourt les scènes du monde entier depuis toujours. Ce soir-là, il se produit à la philharmonie de Berlin. Alors qu'il interprète une sonate de Beethoven, il s'interrompt, se lève et quitte la scène sur ces simples mots : "C'est tout."

C'en est fini de son quotidien réglé comme du papier à musique (c'est le cas de le dire), mais aussi de plusieurs personnages qui assistaient au concert et/ou gravitent autour du pianiste. A commencer par Astrid, sa fidèle secrétaire, Claudius son agent et ancien amant, Sophie et sa filleule Klara, ou encore Lorenz, un serveur qui devait officier à la réception prévue après le concert. Tous voient leur quotidien modifié par ce simple geste, ou celui-ci agit comme un catalyseur, une prise de conscience sur leur vie, à l'image du geste de liberté que s'octroie Olsberg.

Tous composent cet excellent roman choral de l'auteur suisse Alain Claude Sulzer (né en 1953), une vraie et belle découverte pour moi. Un auteur que je vais relire tellement j'ai aimé son style, tout en finesse et subtilité, en sensations, en musicalité.

Marek Olsberg interpréta le Nocturne en mi bémol majeur n° 2 de Chopin pour son nouvel ami dont il ne connaissait que le prénom et savait qu'il était ou avait été le petit ami de Claudius. Pendant qu'il jouait, son regard, qui ne lâchait pas Nico, changea, et dès la première mesure les rares clients présents se détournèrent de ce qu'ils avaient fait jusqu'ici. Le barman éteignit la chaîne hi-fi, et la voix, peu importe de qui, ou les instruments, peu importe joués par qui, se turent. Cet espace, pour lequel cette musique n'avait pas été créée, devint un espace dans lequel cette musique se forma et disparut, s'éveilla et s'assoupit, naquit puis mourut.
Quand la dernière note eut cessé de retentir, une étrange fébrilité s'empara de l'établissement. Mais elle se calma vite et Marek ferma le piano et embrassa Nico.
(pp. 265-66)

Je vous le recommande vivement !

(éd. Actes Sud / Babel, Aus den Fugen (2012) traduit par Johannes Honigmann, 272 pp., 2020 pour l'édition de poche (2013 chez J. Chambon pour l'original traduit))

Commentaires

Libriosaure a dit…
Je crois qu'au fil du temps, ça m'intéresse énormément ce genre de romans qui montre une cassure soudaine dans le quotidien par un acte minime mais conséquent. Je note !
Anonyme a dit…
Les romans avec des musiciens, j'aime beaucoup!!!!Et dire 'c'est tout' même dans d'autres circonstances, quel rêve!
keisha
Ingannmic, a dit…
C'est très tentant.. les éditions Babel sont souvent gage de qualité, il faut dire..
Et je profite de ce passage pour te souhaiter une belle année 2021 !
Violette a dit…
tentée aussi par le thème !

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