Colline - Jean Giono
C'est un trou de verdure où chante une rivière, accrochant follement aux herbes des haillons d'argent; où le soleil, de la montagne fière, luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Ah le charme bucolique de la première strophe de ce sonnet de Rimbaud ! Oups, je me suis laissée emportée; ce n'est pas de lui que je veux vous parler aujourd'hui, mais de ma première lecture de Giono avec son roman Colline.
La nuit emplit déjà la vallée; elle effleure la hanche de la colline. Les olivaies chantent sous l'ombre. (p. 24)
Dans le genre bucolique, c'est pas mal aussi, non ? Et c'est où je voulais en venir en citant Rimbaud en introduction : dès les premières pages, Giono installe une atmosphère champêtre et bucolique quoique assez âpre. On devine de beaux paysages (et l'amour que l'auteur leur porte) mais aussi la relative dureté et force qu'il faut pour y vivre. C'est sauvage et retiré, et ceux sont restés aux Bastides, un petit hameau sur la colline, ne sont qu'une poignée. Cette dureté est d'ailleurs illustrée par les dialogues entre les personnages; des échanges mâtinés de terme issus du monde paysan, un langage qui est parfois cru.
Parmi les protagonistes de Giono, il y a Janet, l'ancien qui est retrouvé un matin inanimé dans un champ inondé. Installé près de la cheminée de la cuisine chez sa fille et son beau-fils, il ne semble pas réussir à se remettre et commence à "déparler". A perdre la tête, à avoir des hallucinations dans lesquels il voit des animaux, notamment des serpents. Il faut dire que le Janet a toujours été vaguement considéré comme quelqu'un d'un peu à part; pas vraiment un sorcier mais un homme qui sait lire la nature et comprendre les animaux.
Au fur et à mesure que sa santé ne semble pas s'améliorer, et au fil de ses discours sans queue ni tête aux yeux de ceux qui l'entende, la peur commence à faire son nid au sein de la petite communauté. Pour les autres, Janet doit mourir. Une crainte exacerbée par l'apparition d'un chat noir (symbole de mauvais augure pour ces gens superstitieux), puis la maladie d'une fillette, et qui trouve son paroxysme avec un énorme incendie qui manque de détruire complètement le petit village. Comme si la nature voulait montrer aux hommes leurs erreurs, les punir en leur montrant qu'elle sera toujours la plus forte.
Les bois dansent. Des lambeaux d'orage passent; une courte foudre gronde et lui. L'air sent le soufre, le gravier et la glace. (...) D'un seul coup, la terre s'est enragée. Les buissons se sont défendus en jurant, puis la flamme s'est dressée sur eux, et elle les a écrasés sous pieds bleus.
Toutes les erreurs de l'homme viennent de ce qu'il s'imagine marcher sur une chose inerte alors que ses pas s'impriment dans de la chair pleine.
Un roman qui mêle donc poésie et beaucoup de métaphores, notamment dans les constantes comparaisons que fait Giono entre la nature / les animaux et le corps humain. Un roman qui m'a surprise, parfois égarée un peu car je n'arrivais pas à déterminer vers quoi il allait pencher : du bucolique, on penche vers le fantastique, puis le carrément angoissant avec la description de l'incendie, avant un retour à l'apaisement. Même si c'est un style qui dont je ne lirais pas des centaines de pages d'affilée, ce fut une belle lecture.
Je remercie vivement l'ami qui m'a prêté son exemplaire - et comme il le fait pas les choses à moitié, il m'a également prêté les deux autres titres qui font partie de la Trilogie de Pan. Vous entendrez donc bientôt reparler ici de Giono.
(éd. Le livre de poche, 1929)
Commentaires
j'ai aussi lu "l'eau vive" qui m'a fortement impressionnée, sur la cupidité et la méchanceté humaine