Ör - Audur Ava Ólafsdóttir
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Certes, ce ne sont pas les options qui manquent. Par exemple, je pourrais descendre le plafonnier et faire usage du crochet. Il faut aussi choisir le lieu. J'élabore divers scénarios. Dois-je me tirer une balle dans le salon ou me pendre dans la chambre à coucher, le coin cuisine ou la salle de bains ? Et puis quels vêtements mettre. Pyjama, habits du dimanche, vêtements de tous les jours, chaussettes ou chaussures ? Qu'est-ce qui conviendrait le mieux ? (p. 50)
Jónas Ebeneser, la cinquantaine, a décidé de mourir. De disparaître pour toujours. Sa femme l'a quitté, par la même occasion, elle lui apprend que sa fille est en réalité d'un autre, et sa mère commence à perdre les pédales dans sa maison de retraite. Alors que lui reste-t-il ? Peut-être que toute sa vie n'a été qu'un gâchis, n'a servi à rien ? Ou plutôt, il ne voit pas à quoi ou à qui il pourrait encore être utile, par qui il pourrait être aimé. Mais il ne veut pas le faire chez lui, en Islande; ne veut pas que les trois femmes de sa vie ne doivent découvrir son corps. Alors il part, prend un aller simple pour un pays dangereux, avec pour seul bagage sa caisse à outils.
Débarqué dans un hôtel délabré qui vient à peine de rouvrir après des années de guerre, il finit par rendre de menus services à la communauté d'abord méfiante. Aider les autres, comprendre les horreurs qu'ils ont vécu lui permettront de l'apaiser, de comprendre que ses blessures ne sont peut-être pas si grandes qu'il le croit.
J'ai acheté ce roman l'automne dernier, l'avais fait emballé car je pensais l'offrir à un ami dont l'anniversaire approchait. Et puis, en y réfléchissant, vu l'histoire et la situation de mon ami à ce moment-là, je me suis dit que ce n'était peut-être pas adéquat. L'histoire d'un homme qui veut se suicider n'est sûrement pas le roman à offrir à quelqu'un qui traversait quelques difficultés.
Pourtant, une des choses que j'ai apprécié dans ce récit, c'est justement l'humour qui en ressort. Entendons-nous, on ne rit pas à gorger déployée; non. Mais il y a un ton décalé, voire loufoque, qui apporte une touche de légèreté au texte. Un roman doux qui parle de peur, de mort, de chagrin, d'attirance, de l'importance de prendre soin de nos liens à ceux qui nous sont proches et, dans une perspective plus large, aux autres.
J'ai beaucoup aimé !
Je déboutonne le premier bouton de ma chemise rouge, dévoilant ma peau. Sous la chemise, il y a un nymphéa blanc et dessous, un cœur qui bat encore. Je déboutonne les deux suivants tandis qu'elle déboutonne les siens. Une fois ôtés chemise et pantalon, je retire mes chaussettes, c'est vite fait. Puis j'enlève mon caleçon et me voici entièrement nu devant elle. (...) Je tends une main tâtonnante vers elle, avance d'un pas; trois lames de parquet nous séparent encore. Un pas de plus, nous voilà peau contre peau. Nous ajustons nos mains l'une à l'autre, ligne de vie contre ligne de vie, veine contre veine. (p. 228)
Audur Ava Ólafsdóttir (née en 1958) a étudié l'histoire de l'art et est directrice du Musée de l'université d'Islande. Plusieurs de ses romans, dont Rosa Candida (2010) qui l'a fait connaître en francophonie, ont été primé.
(éd. Zulma, traduit par Catherine Eyjólfsson, 236 pp., 2017)
Commentaires
Hélène : quel autre me recommandes-tu?
Sandrion : merci pour ton conseil.