Cruel est le ciel - Tetsuya Honda
Tokyo, un quartier excentré, dans un mini-van abandonné au bord d'une rivière. C'est là que la police découvre une main sectionnée. Peu après, Kôsuke Mishima signale la disparition de Kenichi Takaoka, son patron menuisier-charpentier, après avoir découvert le sol du garage de celui-ci sali d'une importante mare de sang. Lorsqu'il est prouvé qu'il correspond à celui de la main, l'affaire est considérée comme un homicide et la lieutenant Reiko Himekawa et son équipe sont chargés de l'élucider. Une enquête qui les mènera dans le monde de la construction, en partie contrôlé par des gangs de yakuzas. Quel est le lien avec une série de suicides quelques années plus tôt ?
J'avais lu quelque part que les condamnés à mort recevaient un manjû et une cigarette juste avant leur exécution.
Ce soir-là, Tadaharu Mishima mangeait le sien dans son coin. Il était fourré à la pâte de haricot rouge. Sa peau paraissait d'autant plus pâle entre ses mains crasseuses. (...)
Ne supportant plus de le regarder, je me tournais vers la fenêtre. Le cadre n'était pas posé, ce n'était qu'une béance carrée. La bâche manquait et les rayons orangés du soleil illuminaient la pièce. Nous étions au huitième étage. Pile-poil à la hauteur du crépuscule.
(...)
Finalement, sans produire le moindre bruit, son pied droit commença à se déplacer vers l'avant.
D'un centimètre. Puis d'un autre. Non, plutôt de quelques millimètres.
Je savais que si je continuais de regarder, le risque était grand que je me mette à hurler avant que Mishima fasse ce qu’il avait à faire. Mais je devais absolument rester silencieux. Pour son bien. Plus que pour celui de n'importe qui d'autre.
Lorsque son talon droit s'écarta de la latte métallique, la terreur me saisit et je plaquai mes mains sur ma bouche.
Son buste revêtu de son débardeur pencha vers l'avant. C'est son casque qui chuta en premier. Son pied gauche était toujours sur l'échafaudage. Mais ça ne lui était déjà plus d'aucun secours. Son corps décolla sur le fond du ciel embrasé et se précipita vers le sol. (pp. 7-11)
L'extrait ci-dessus constitue la scène d'ouverture du roman; autant dire que cela démarre fort ! La suite toutefois se relâche un peu, ce que j'ai trouvé dommage. A mon sens, il y a trop de scènes de réunions du commissariat et pas assez d'avancées sur le terrain. Certes, elles font avancer l'histoire mais en même temps, je les ai trouvé un peu trop bavardes. Si je n'aime pas les romans policiers qui enchaînent "les scènes d'action qui déménagent dans tous les sens", j'ai trouvé ici que ça manquait d'équilibre. Elles sont d'autant plus difficiles à suivre qu'il y a beaucoup de personnages et qu'il n'est pas forcément facile de s'y retrouver, d'autant que l'intrigue est complexe. C'est d'autant plus dommage que les scènes d'ouverture de chacune des six parties du roman donnent la parole à un autre protagoniste et sont très réussies.
Les personnages, comme je le disais plus haut, sont (trop?) nombreux et j'avoue que j'ai eu un peu de mal à m'attacher à eux, notamment à l'héroïne - qui, soit dit en passant, n'apparaît pas franchement comme le personnage principal. Je l'ai trouvé plutôt froide, mais une scène avec son père, vers la fin du roman l'a un peu racheté à mes yeux; elle s'y montre plus sensible et empathique.
Ce que je retiendrai surtout de ce roman, c'est la plongée dans le contexte social du Japon : endettement, influence des yakuzas, place de la femme dans le monde essentiellement masculin de la police, importance de la hiérarchie.
Tetsuya Honda (né en 1969) est l'un des auteurs de romans policiers les plus connus au Japon. Il a obtenu de nombreux prix et plusieurs de ses romans ont été adaptés à la télévision.
Je remercie infiniment les éditions Atelier Akatombo pour m'avoir proposé de lire ce roman. Vous pouvez les suivre sur Instagram. Une maison d'édition qui se consacre au Japon, j'aime forcément !
(éd. Atelier Akatombo, traduit du japonais par Alice Hureau et Dominique Sylvain, 350 pp., 2020)
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