Au point du jour - Hans-Ulrich Treichel


C'est la nuit. Une femme âgée, veuve, tient dans ses bras son fils adulte qui vient de décéder chez elle où, se sachant condamné, il vivait ses derniers jours. Avant le l'aube et le chant du pinson, avant d'appeler le médecin, elle veut lui raconter, dans un monologue intérieur, ce qui jusqu'alors a été tu.

Se déroule alors le récit d'une vie qui commence par la fuite de son pays (de la Pologne vers l'Allemagne) avec son mari revenu mutilé de la première guerre, un nouveau départ, une certaine prospérité acquise grâce à leur magasin de textiles, l'attention à leur fils unique (qui ne deviendra pas le pianiste qu'ils auraient espéré), mais aussi la violence qu'elle a subie. Une violence au cœur de son secret le plus intime.

Nous avons essayé de nous étreindre, et sentions tous deux une grande inhibition. Qui était sûrement due au choc, à la peur mortelle, nous venions tout juste d'échapper à une exécution. Et cette inhibition ça aussi je dois le dire, elle est restée. Même si mon mari et moi sommes devenus plus proches que jamais après cet événement, qui nous avait pour ainsi dire soudés, en même temps nous sommes devenus douloureusement étrangers l'un à l'autre depuis ce jour de janvier 1945, pour ne pas dire que nous nous sommes perdus. Soudés l'un à l'autre et perdus l'un pour l'autre. Nous l'avons tous les deux ressenti et n'en avons jamais parlé. Ni à l'époque, ni plus tard. On ne peut pas tout dire. (p. 73)

Ce court texte m'a attiré car il m'a rappelé le sublime Adieu sans fin de l'Autrichien Wolfgang Hermann (si vous ne l'avez pas lu, je vous invite à lire mon billet enthousiaste en lien).

Maintenant aussi, je ressens de la peur. Je commence à avoir peur de mon fils mort. (...) Je veux être honnête. Ça aide, d'être honnête et de tout exprimer clairement. Quand j'exprime tout clairement, ça n'a plus de pouvoir sur moi. (p. 55)

Hans-Ulrich Treichel (né en 1952) est poète, romancier et essayiste; il enseigne également la littérature à Leipzig.

(éd.Gallimard, Tagesanbruch (2016) traduit par Barbara Fontaine, 80 p., novembre 2019)

Commentaires

L'or rouge a dit…
J'espère que ton Noël s'est bien passé, je te souhaite d'excellentes fêtes de fin d'année Lewerentz et je t'envoie des gros bisous :0)
Tania a dit…
Il faut bien cette jolie tasse de café pour tenir le coup avec ce thème difficile.
Meilleurs vœux pour l'année nouvelle !
lewerentz a dit…
Tania: merci pour la tasse. Le sujet n'est pas difficile ; en réalité, le livre parle de la mère, pas du fils.
L'or rouge a dit…
Très bonne année Lewerentz, qu'elle t'apporte joie et bonheur, je te fais de gros gros bisous !!
Karine a dit…
Oh que ça semble intéressant... tout à fait le gnere de thème qui m'attire. Et je note aussi le Hermann!!
lewerentz a dit…
Karine: et un conseil: commence par le Hermann qui est 200x fois meilleur que celui-ci ; un pur chef-d'oeuvre !

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