La télégraphiste de Chopin - Eric Faye


Prague, 1995. Ludvík Slaný est chargé de réaliser un reportage, une enquête pour la télévision nationale sur Vĕra Foltýnova, une femme d'une cinquantaine d'années qui prétend recevoir chez elle la visite du fantôme de Chopin. Celui-ci l'aurait choisi pour lui dicter des partitions posthumes en raison des dons médiumniques qu'elle posséderait depuis l'enfance, et parce qu'elle n'a pour ainsi dire aucune formation musicale - aucune tentation qu'elle arrange à sa sauce les partitions dictées.

Supercherie ? Tel est le sentiment du journaliste, rationnel, cartésien. Pourtant, au fil des rencontres, à chaque fois qu'il essaie de la piéger, elle mord pas à l'hameçon.Elle répond avec naturel aux questions, se prête sans sourciller aux expériences. Elle ne donne pas à Slaný l'impression d'être une dissimulatrice. Et puis, quel intérêt aurait cette femme sans rien de particulier à jouer cette comédie ? Aurait-elle un(e) complice ? Pour tenter d'en apprendre plus sur Vĕra et son passé derrière le rideau de fer, le journaliste la fait suivre par un détective privé.

Voici un roman très plaisant qui mêle mystère, enquête et réflexion sur la mort, sur les rapports entre État et religion et ceux entre presse et services secrets dans les anciens pays communistes.

- "Tu vois ? Tu as réussi à le prononcer, le mot tabou : mourir. Tu es parti la fleur au fusil, croyant t'attaquer à une énième supercherie artistique, comme on en fait depuis la nuit des temps, et tu te heurtes à une femme qui te parle de la mort, tous les matins que tu l'interroges. Mais pas la mort conventionnelle, de celle qu'on évite comme la peste. Oh non, pas de celle qui est taboue, qu'on glisse sous le tapis pour ne plus la voir. Elle parle d'une mort qui te surprend et que tu as du mal à entendre, je crois. Une mort "heureuse", dans un certain sens. Qui dérange plus encore que celle qu'on cache comme un secret de famille. Tu n'as jamais eu envie de mourir par simple curiosité ? (...) Pour voir ce qu'il peut bien y avoir de l'autre côté de cette satanée porte fermée, qui ne s'ouvre pour chacun qu'une seule fois.
- C'est-à-dire ?
- Vérifier s'il y a quelque chose de l'autre côté de la porte et, si oui, découvrir quoi.
- Et s'il n'y a rien du tout ? Tu le sais bien, au fond de toi, qu'il n'y a rien, non ? Rien qu'un romantique besoin des hommes de se croire immortels, pour refroidir un peu leur frousse et rendre leur existence plus supportable. (...) Pour éviter la surpopulation terrestre, c'est tout. Une pure règle biologique." (pp. 154-5)

J'ai beaucoup aimé l'ambiance de ce roman mais la toute fin m'a déçue; trop... je sais pas... de trop. Mais tant pis, j'ai découvert un auteur que je relirai avec plaisir.

(éd. Seuil, 272 pp., 2019)

Commentaires

Kathel a dit…
J'avais été séduite par Éclipses japonaises, du même auteur, dont le thème était tout à fait apte à me plaire. Je lirai peut-être celui-ci.
Aifelle a dit…
Le thème est original. Je n'ai pas encore lu l'auteur, je pourrais essayer à la bibliothèque.
lheuredelire a dit…
il m'intrigue depuis sa sortie, j'espère avoir l'occasion de le découvrir un jour !

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