Juli Zeh - Nouvel an
Si je vous dis "vacances à Lanzarote", à priori ça fera rêver pas mal d'entre vous, non ? C'est là qu'Henning, le personnage principal du dernier roman de Juli Zeh, décide sur un coup de tête d'emmener sa femme Theresa et leur deux jeunes enfants pour les vacances de Noël.
Fatigué, écrasé sous le poids des obligations professionnelles (où il accumule les retards) et familiales (c'est surtout lui qui s'occupe des enfants), depuis quelques mois, les crises d'angoisse qu'il pensait avoir réussi à guérir ont refait surface. "La Chose", comme il l'appelle, est là, tapie, prête à le terrasser à la moindre faiblesse.
"A sa grande surprise, la Chose était quand même restée dans son trou, en retrait, tapie, à somnoler ou vaquer aux occupations qui étaient les siennes quand elle n'était pas sur son dos. En temps normal, Henning s'interdisait ne serait-ce que de se réjouir de son absence, car quand l'espoir pointait, la Chose frappait avec une violence redoublée. Mais cette fois, dans la salle de restaurant surpeuplée et surchauffée de Las Olas, il s'était autorisé quelques moments de bonheur prudent. Après tout, pourquoi pas ? Il allait bien. C'était un homme normal parmi des gens normaux. Il n'était pas en train de devenir fou." (p. 21-22)
Au matin du premier janvier, Henning enfourche son vélo et se lance à l'ascension d'une montagne. Mais, plus habitué à l'effort physique, il arrive au sommet complètement épuisé, à la limite de l'évanouissement. Lisa, une artiste qui vit dans une grande maison isolée l'invite à venir se reposer, lui offre à manger et à boire. C'est là que débute la seconde partie du roman. Car Henning a l'étrange sensation d'être déjà venu dans cette maison; les objets, une grande pièce avec un canapé et un patchwork, le jardin, et surtout l'aljibe, le réservoir d'eau et son grand trou noir qui l'aspire littéralement. Peu à peu, les souvenirs reviennent, ceux de vacances avec ses parents et sa jeune soeur Luna, deux ans, alors qu'il n'était qu'un enfant. Une expérience traumatisante qu'il avait soigneusement refoulée mais qui pourrait bien être la source de ses angoisses. Un moment complètement escamoté par tous, sa mère la première.
"Henning se met à crier. Son cri remplit sa tête et sa poitrine. Il ne peut plus retenir la planche, elle lui glisse des doigts. D'un bras, Noah a attrapé Luna, il enroule l'autre autour de Henning. Henning s'agite dans tous les sens, il se cabre, il crie, la planche retombe, le bruit est assourdissant. Même Luna crie. Le monstre les serre contre lui. Henning se débat, et il sait qu'il a perdu. Il a tout donné, tout fait, et il a quand même perdu. C'est la fin." (p. 172-3)
J'ai beaucoup aimé ce court roman, une écriture efficace qui se fait plus dense et angoissante. A mesure que les souvenirs affluent, la tension augmente dans la seconde partie - seconde partie que j'ai trouvé un poil trop longue, je l'avoue. Un roman un peu en forme de huis-clos qui me donne envie de découvrir d'autres textes de l'auteur.
Juli Zeh (née en 1974 à Bonn) est juriste de formation et, à côté de son travail d'auteur, est journaliste et juge bénévole au tribunal constitutionnel du Brandebourg.
Pour l'anecdote, désolée mais moi Lanzarote, ça ne me fait pas du tout rêver ;-)
(éd. Actes Sud, Neujahr traduit par Rose Labourie, 190 pp., 2019)
Fatigué, écrasé sous le poids des obligations professionnelles (où il accumule les retards) et familiales (c'est surtout lui qui s'occupe des enfants), depuis quelques mois, les crises d'angoisse qu'il pensait avoir réussi à guérir ont refait surface. "La Chose", comme il l'appelle, est là, tapie, prête à le terrasser à la moindre faiblesse.
"A sa grande surprise, la Chose était quand même restée dans son trou, en retrait, tapie, à somnoler ou vaquer aux occupations qui étaient les siennes quand elle n'était pas sur son dos. En temps normal, Henning s'interdisait ne serait-ce que de se réjouir de son absence, car quand l'espoir pointait, la Chose frappait avec une violence redoublée. Mais cette fois, dans la salle de restaurant surpeuplée et surchauffée de Las Olas, il s'était autorisé quelques moments de bonheur prudent. Après tout, pourquoi pas ? Il allait bien. C'était un homme normal parmi des gens normaux. Il n'était pas en train de devenir fou." (p. 21-22)
Au matin du premier janvier, Henning enfourche son vélo et se lance à l'ascension d'une montagne. Mais, plus habitué à l'effort physique, il arrive au sommet complètement épuisé, à la limite de l'évanouissement. Lisa, une artiste qui vit dans une grande maison isolée l'invite à venir se reposer, lui offre à manger et à boire. C'est là que débute la seconde partie du roman. Car Henning a l'étrange sensation d'être déjà venu dans cette maison; les objets, une grande pièce avec un canapé et un patchwork, le jardin, et surtout l'aljibe, le réservoir d'eau et son grand trou noir qui l'aspire littéralement. Peu à peu, les souvenirs reviennent, ceux de vacances avec ses parents et sa jeune soeur Luna, deux ans, alors qu'il n'était qu'un enfant. Une expérience traumatisante qu'il avait soigneusement refoulée mais qui pourrait bien être la source de ses angoisses. Un moment complètement escamoté par tous, sa mère la première.
"Henning se met à crier. Son cri remplit sa tête et sa poitrine. Il ne peut plus retenir la planche, elle lui glisse des doigts. D'un bras, Noah a attrapé Luna, il enroule l'autre autour de Henning. Henning s'agite dans tous les sens, il se cabre, il crie, la planche retombe, le bruit est assourdissant. Même Luna crie. Le monstre les serre contre lui. Henning se débat, et il sait qu'il a perdu. Il a tout donné, tout fait, et il a quand même perdu. C'est la fin." (p. 172-3)
J'ai beaucoup aimé ce court roman, une écriture efficace qui se fait plus dense et angoissante. A mesure que les souvenirs affluent, la tension augmente dans la seconde partie - seconde partie que j'ai trouvé un poil trop longue, je l'avoue. Un roman un peu en forme de huis-clos qui me donne envie de découvrir d'autres textes de l'auteur.
Juli Zeh (née en 1974 à Bonn) est juriste de formation et, à côté de son travail d'auteur, est journaliste et juge bénévole au tribunal constitutionnel du Brandebourg.
Pour l'anecdote, désolée mais moi Lanzarote, ça ne me fait pas du tout rêver ;-)
(éd. Actes Sud, Neujahr traduit par Rose Labourie, 190 pp., 2019)
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