Notre ailleurs - Rasha Khayat

source: hinzundkunst.de

Basil, un jeune trentenaire, fils d'une Allemande et d'un Saoudien ayant grandi en Allemagne, retourne dans le pays de sa petite enfance pour le mariage de sa soeur Layla. Celle-ci a accepté un mariage arrangé, au grand dam de son frère qui ne la comprend pas. Comment peut-elle avoir envie de vivre dans un pays où tout est interdit aux femmes et devoir porter l'abaya ? Pour Barbara, leur mère, c'est clair :

- "Ta soeur n'a plus toute sa tête, Basil. (...) Tu ne crois quand même pas qu'elle est sérieuse avec ce mariage ? C'est encore un de ses caprices, je te le dis, moi. Mademoiselle fait le tour de la planète pendant deux ans, ne donne jamais de nouvelles et, tout d'un coup, elle veut épouser un parfait inconnu dans un pays où tout lui est interdit. Ta soeur déraille, et je ne compte pas encourager ça !" (p. 25).

D'ailleurs, elle refuse d'assister à ce mariage avec un parfait inconnu:

- "(...) maintenant, après plus de vingt ans d'absence, elle a décidé de retourner vivre dans un pays qu'elle ne connaît pas et d'épouser quelqu'un qu'elle ne connaît pas non plus. Tu crois vraiment que j'ai envie de m'exposer devant ces gens et d'expliquer ça, Basil ? D'expliquer tout ce que j'ai fait de travers avec mes enfants, au point que ma fille se mette en tête de devoir retourner auprès d'une famille qui n'est pas la sienne ? D'expliquer à quel point j'ai été une mauvaise mère après tout ce qui est arrivé ? Mais qu'est-ce que j'ai fait comme erreur, Bail, que tout vous paraisse toujours si difficile ? Tu peux me le dire ? Non, non, il est hors de question que je monte dans cet avion et que je prenne part à tout ce cirque." (p. 27)

Ces deux extraits sont révélateurs des thèmes abordés dans ce roman : la double culture, les différences entre deux pays très différents, l'héritage familial "invisible, inconscient", cet ailleurs du titre. En effet, qu'est-ce qui peut bien conduire Layla, jeune femme visiblement libre et indépendante, à aller fonder une famille en Arabie Saoudite ? La proximité des liens familiaux ? Une place qui est toutefois très surveillée. Layla refuse-t-elle de se positionner, vivre vraiment sa vie et préfère accepter de ne pas choisir et simplement "suivre" ? C'est pour tenter de le comprendre que Basil se rend à Djeddah, et pour vivre, ressentir, ce qu'il pense être une dernière fois, la forte proximité qu'il a toujours eu avec sa soeur.

Le roman est entièrement raconté du point de vue de Basil. C'est un parti pris. J'aurais trouvé assez intéressant d'avoir aussi la voix de sa soeur. Ne connaissant pour ainsi dire pas la culture arabe, j'avoue que j'étais un peu perdue, et j'aurais aimé plus de passages sur la vie du frère et de la soeur en Allemagne.

Une auteur à suivre mais je suis quand même un restée un peu sur ma faim.

Rasha Khayat (née en 1978 à Dortmund) à grandi à Djeddah jusqu'à l'âge de onze ans. Elle a étudié la littérature allemande et comparée ainsi que la philosophie. Elle vit maintenant à Hambourg et tient le blog West-östliche Diva. Notre ailleurs est son premier roman.

(Weil wir längst woanders sind traduit de l’allemand par Isabelle Liber, 193 pp.)

Commentaires

Aifelle a dit…
Ton résumé m'intrigue. Est-ce que Basil au terme de son voyage, arrive à comprendre un peu sa soeur ?
Cecile a dit…
Je l'avais noté, mais vos réserves vont me faire attendre l'occasion de le lire à la bibliothèque.
lewerentz a dit…
Aifelle : oui, Basil comprend sa sœur, sans pour autant qu'il aurait fait la même chose à sa place.

Cécile : oui, c'est sage et ça ira très bien avec un emprunt à la bibliothèque.
Tania a dit…
Ton billet me rend curieuse des raisons de ce choix, je note le titre. Merci, Lewerentz.
Nahe a dit…
Bien tentée, d'autant qu'il plairait, je pense à mes filles. Merci :)
lewerentz a dit…
Nahe: bonne lecture, à toi et tes filles.

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