Le passé - Tessa Hadley
source: leslibraires.fr |
Kington, proche de la frontière avec le Pays de Galles, c'est l'été. Un frère et ses trois soeurs se retrouvent pour quelques semaines de vacances dans l'ancienne maison de leurs grands-parents dont ils ont hérité. Un endroit riche de souvenirs pour la fratrie puisqu'elle y a en partie grandi après la séparation de leurs parents. Le roman va jouer sur ce thème mais pas, comme souvent, en alternant les chapitres présent / passé, mais en se divisant en trois parties : le présent, le passé, puis à nouveau le présent.
Il y a Harriet, l'aînée, célibataire, timide, assez sauvage, ancienne "révolutionnaire" et qui travaille maintenant avec des réfugiés. Roland, son cadet, vient avec sa dernière (et troisième) épouse, Pilar. Il est universitaire et critique de cinéma, alors que Pilar, d'origine argentine, est avocate. Ils sont accompagnés de Molly, seize ans, la fille de Roland issue d'un précédent mariage. Alice, la troisième de la fratrie, a la quarantaine, une incorrigible romantique qui aurait voulu être actrice. Célibataire après plusieurs liaisons, elle vient à Kington avec Kasim, le fils adolescent de son dernier compagnon dont elle est séparée. La dernière est Fran, prof de maths et mère de deux enfants; la parfaite femme pratique avant tout, plutôt en froid avec son mari qui n'a pas "pu" les rejoindre.
S'il ne se passe finalement pas grand chose, les tensions sont sous-jacentes durant tout le roman : Roland qui se méfient de Kasim, lequel s'intéresse à Molly; les trois soeurs qui rencontre Pilar pour la première fois; et bien sûr les frère et soeurs qui doivent décider que faire de la maison qui commence à tomber en ruine (s'en séparer ou la retaper ?).
La partie consacrée au passé relate le retour, en mai 1968, de Jill et ses trois enfants (Fran n'était pas encore née) chez ses parents après avoir quitté son mari parti "prendre la température" des événements qui se déroulent au même moment à Paris. J'ai bien aimé cette partie, surtout pour le personnage de Jill qui, fille unique dont le père était pasteur, reste très loin de la révolution en marche même si elle a eu le courage de quitter son époux.
Si la dernière partie m'a semblé un peu moins maîtrisée et que la fin ne m'a pas vraiment plu, j'ai beaucoup aimé la mise en lumière des personnages d'Harriet et de Pilar, leur amitié naissante (qui finit mal à mon grand regret).
Comme vous le voyez, j'ai un peu de mal à parler de ce roman, ce qui est probablement le signe qu'il ne m'a pas pleinement convaincue. J'ai pourtant beaucoup aimé le style de l'auteur (du moins la traduction d'Aurélie Tronchet). Un extrait pour vous donner une idée:
Alice était encore secouée par sa dispute avec Pilar, et avec tout le monde - c'était une douleur en dents de scie. Puis presque d'un coup, alors même qu'elle se laissait glisser dans son coin du banc, Alice cessa de se défendre devant son propre tribunal. La conscience - pareille à une chose légère, très fine - tomba du ciel et se posa sur elle; la vieille église devait en être pleine, après toutes ces années d'introspection. C'était toujours un soulagement, pensa-t-elle, de s'accuser et d'être la perdante dans toutes les disputes. Avec la même maladresse que celle dont elle faisait preuve quand elle blessait, elle s'imagina aussi pardonnée, elle regrettait sincèrement. (p. 129)
source: newwelshreview.com |
Tessa Hadley (née en 1956) est diplômée de Cambridge et a écrit des romans, des nouvelles, souvent en rapport avec les relations familiales. Elle écrit aussi des essais (notamment sur Henry James). Très connue et appréciée en Angleterre, ses romans ont obtenu plusieurs prix. Elle enseigne la "creative writing" à l'université de Bath.
(éd. Christian Bourgois, traduit par A. Tronchet, 416 pp., 2017)
Commentaires
Syl.
Bonnes lectures !
Léa: de rien.
Tania: oui, en effet, tu résumes bien.
Est-ce la complexité des personnages qui t'a dérangé ?