Le dragon du Muveran - Marc Voltenauer
Le Grand Muveran - source : site Internet de Gryon |
A Gryon, un petit village des alpes vaudoises, le cadavre d'Alain Gautier, un promoteur immobilier, est retrouvé nu et mutilé sur l'autel du temple. A côté, un extrait de la bible : "Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres." C'est la Erica Ferraud, la pasteur, qui découvre le corps de cet homme qui était avec elle à l'école. La population est en émoi et les inspecteurs Andreas Auer et Karine Joubert sont dépêchés sur place. Les choses ne s'arrangent pas lorsque, quelques jours plus tard, un second cadavre est découvert dans la fontaine à côté du temple. A nouveau énucléé et le cœur transpercé. La victime faisait des affaires avec la première et le mode opératoire du crime est le même. Rapidement, l'inspecteur Auer découvre que, dans ce petit village en apparence si tranquille, plusieurs habitants ont des choses à cacher.
Passionnant ! Franchement, j'ai été surprise en bien, en très bien, même ! J'avais bien sûr entendu parler de ce roman à sa sortie mais également lu de bonnes comme de très mauvaises critiques. Et comme c'est un pavé (et je ne suis pas fan à cause des (quasiment) inévitables creux), je ne m'étais pas laissée tenter. Alors lorsque ma sœur me l'a offert à Noël, j'étais contente mais quand même un peu dubitative, je l'avoue, en lisant la toute première phrase : "L'homme qui n'était pas un meurtrier se tenait sur la terrasse de son chalet d'alpage". On comprend tout de suite que le roman va alterner les points de vue du meurtrier et des enquêteurs, mais le fait de déclarer d'emblée son meurtrier comme se considérant non-meurtrier mais plutôt comme un "justicier" (c'est moi qui utilise ce terme), j'ai trouvé cela un peu bizarre.
La magie a pourtant fonctionné dès les premières pages, car j'ai beaucoup aimé le style simple, les phrases et les chapitres courts, nerveux et incisifs qui maintiennent le suspens jusqu'au bout. Car qui dit efficace ne dit pas forcément sans profondeur. Ici, j'ai beaucoup apprécié le lien avec la théologie, l'enfance, les magouilles immobilières (pour contourner la lex Weber sur le taux de résidences secondaires). J'ai apprécié aussi les descriptions des personnages et des décors et, oui, je l'avoue, aussi le fait de lire un roman policier qui se passe "chez nous".
Une personne apparaît encore et encore dans cette enquête. Maurice Fournier. Je pense qu'il est temps d'aller rencontrer notre amical conseiller municipal, suggéra Karine.
- Je suis d'accord. Surtout après ce que Julie Berthoud m'a raconté tout à l'heure !
- Vas-y, crache le morceau !
- Elle a assisté à une scène entre Maurice Fournier et Alain Gautier. C'était jeudi dernier, Fournier était venu sans rendez-vous. Selon Julie Berthoud, il avait l'air agacé. Elle a entendu le ton monter entre les deux hommes, mais n'a pas pu comprendre ce qu'ils se disaient. Il est ensuite sorti, après une dizaine de minutes, en claquant la porte.
- De mieux en mieux. Mais pourquoi n'a-t-elle rien mentionné ce matin ? Et pourquoi Mme Pitou n'a-t-elle rien raconté non plus ?
- Marie Pitou s'était absentée avec des clients pour visiter un chalet. Son assistante lui a relaté les faits lorsqu'elles ont appris la mort de Gautier et sa cheffe lui a ordonné de ne pas en parler à la police. Elle ne veut pas d'histoires. "C'est assez compliqué comme cela", lui aurait-elle déclaré. (p. 150)
J'ai toutefois quelques réserves sur la description du personnage principal, en réalité sur sa tenue vestimentaire que je me suis dépêchée d'oublier une fois lue (genre cow-boy). Sur le fait qu'il apprécie le bon vin, le bon whisky, un bon cigare; j'ai trouvé cela un peu trop. Et, en plus, son compagnon a étudié la théologie, ce qui lui rend bien service, pour le coup. Mais j'ai quand même aimé le personnage - sinon, je n'aurais pas poursuivi ma lecture. A la fin, le lien avec une vieille affaire aux États-Unis m'a aussi semblé de trop; à mon sens, les choses auraient pu se conclure de manière plus simple et sans autant de rebondissements - là, j'ai pensé à l'Allemande Nele Neuhaus qui, à mon avis, complique aussi beaucoup trop ses dénouements.
Bref, un roman que je vous recommande vivement et un auteur que je relirai avec plaisir - apparemment, un second volume est en cours de rédaction. Par contre, je ne propose pas d'envoyer mon exemplaire à qui serait intéressé, car ma sœur me l'a fait dédicacer :-)
source: site éditeur (suisse) |
Marc Voltenauer (né en 1973) a découvert les romans policiers grâce à sa mère Birgitta, d'orginie suédoise. Je le crois volontiers lorsqu'il cite Camilla Läckberg parmi ses influences - le fait de prénommer la pasteur Erica est certainement un clin d’œil au personnage fétiche de l'auteur suédoise. Après des études de théologie, il travaille dans le domaine bancaire. Commencé en 2012 après un voyage autour du monde, son roman trouve tout de suite un éditeur. Pour d'autres infos et des "teasers", allez donc jeter un œil sur son site : Marc Voltenauer
(éd. Plaisir de Lire, 660 pp., 2015)
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