Tous les jours sont des nuits - Peter Stamm
Elle
avait envie d’être de nouveau à l’hôpital où la seule chose qu’on lui
demandait, c’était de supporter la douleur. Et même ça, on l’en avait libérée
avec des médicaments qu’elle avait volontiers pris au début et qu’elle refusait
maintenant de plus en plus. Elle avait l’impression que la douleur faisait
partie de la guérison, qu’il lui fallait l’endurer pour redevenir soi-même. (p. 39)
Magnifique roman !
J’avais lu Agnès (2000) il y a
longtemps et j’avais déjà beaucoup aimé; je partais donc assez confiante avec
celui-ci qui ne m’a pas du tout déçue. Il y a une douceur, une atmosphère "qui
flotte", nimbée de "flou" mais pourtant très évocatrice, de "à lire entre les lignes"
qui colle très bien à la situation initiale de Gillian. Celui-ci se réveille en
effet à l’hôpital après un grave accident et émerge d’une lourde narcose.
L’accident l'a
laisse mutilée (elle n’a plus de nez et il lui manque une oreille). Son mari
Matthias qui conduisait est décédé. Ils revenaient d’une soirée du Nouvel-An,
Gillian avait trop bu et le couple s’était disputé peu avant à propos de photos
de nu que Gillian avait fait pour Hubert, un artiste peintre.
La première partie est racontée
du point de vue de Gillian qui, au fil de sa guérison et reconstruction
esthétique, se souvient de son passé et en particulier de sa rencontre avec
Hubert. Gillian ne se reconnaît plus ; son visage a
changé et elle se rend compte qu’elle a aussi joué un rôle ces dernières années
en tant que présentatrice télévision qui apparaissait parfois dans les
magazines people. C’est en en re-feuilletant quelques-uns qu’elle s’en rend
compte.
La seconde
partie se déroule six ans plus tard et se place cette fois-ci du côté d’Hubert
qui vient de se séparer de son épouse. Lui aussi est perdu ; il ne peint
plus depuis plusieurs années, sa créativité semble tarie et il se contente d’enseigner
aux Beaux-Arts. Pour tenter de surmonter ses problèmes familiaux, il accepte de
monter une exposition dans un centre culturel dans les montagnes. C’est à l’hôtel
attenant qu’il revoit Gillian, devenue Jill, qui y est animatrice. Ils sont à
nouveau attirés l’un vers l’autre. Leur histoire va-t-elle cette fois-ci
pouvoir éclore ?
Au-delà des
thèmes déjà cités, Peter Stamm parle beaucoup de l’importance de l’image dans
notre société actuelle, qu’elle soit narcissique ou voyeuriste.
source: site auteur, peterstamm.ch |
Peter Stamm (né
en 1963) a suivi un apprentissage de commerce puis a étudié (entre autres) la
psychologie et la psychopathologie à l’université, avant de séjourner plusieurs
années à l’étranger. Journaliste et écrivain depuis les années 1990, il a écrit
des nouvelles, des romans, du théâtre, des pièces radiophoniques et des
satires. Il a reçu de nombreux prix.
En lien, une
émission-rencontre très intéressante avec l’auteur ici.
(éd. Christian
Bourgois, traduit par Pierre Deshusses, 203 pp., 2014)
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