Nous avons toujours vécu au château - Shirley Jackson
couverture de Thomas Ott pour l'édition Penguin Classics |
"Vous pensez vraiment, demande Helen Clarke, que les gens auraient peur de venir vous rendre visite ?", et Oncle Julian s'arrêta sur le seuil de la pièce. Il avait mis la plus élégante de ses cravates pour honorer les invitées, et s'était lavé si énergiquement la figure qu'elle en était encore toute rose.
"Peur ? répéta-t-il. De venir ici ?" Depuis son fauteuil, il inclina la tête en direction de Mme Wright puis d'Helen Clarke. "Madame", fit-il, puis encore : "Madame". Je compris qu'il ne se rappelait le nom ni de l'une ni de l'autre, ni même s'il les avait déjà rencontrées.
"Vous avez bonne mine, Julian, dit Helen Clarke.
- Peur de venir ici ? Veuillez m'excuser de répéter vos paroles, madame, mais je m'étonne. Après tout, ma nièce, bien qu'accusée de meurtre, a été acquittée. Il ne saurait y avoir le moindre danger à pénétrer en ces lieux maintenant." (p. 56)
Mary Katherine
Blackwood, surnommée Merricat, vit seule avec sa sœur Constance, leur oncle
Julian, et son chat Jonas, dans la belle grande demeure familiale. Le reste de leur famille
(parents, frère, tante) sont décédés six ans plus tôt, empoisonnés à l’arsenic.
Constance a été accusée du crime mais acquittée. Depuis, elles vivent recluses
et seule Merricat s’aventure deux fois par semaine au village pour faire les
courses et aller à la bibliothèque. La communauté villageoise ne les aime pas (Merricat est moquée à chacun de ses passages au village)
mais est en même temps intriguée par cet étrange trio.
Dans ce roman
considéré comme le chef-d’œuvre de Shirley Jackson (1916-65), il ne se passe
pas grand-chose mais la tension est palpable et augmente avec l’intrigue et le
fil du récit. J’ai éprouvé un certain malaise mais en même temps, c’est cela
qui m’a fait poursuivre ma lecture et m’a donné envie de connaître la suite. Agée
de douze ans au moment de la mort de ses parents, Merricat n’a clairement pas
bien surmonté le drame, ni sa sœur, d’ailleurs. Laquelle des deux est la plus
folle ? Glissent-elles vers la schizophrénie ? Constance a-t-elle vraiment empoisonné sa famille ou
protégerait-elle Merricat ? A vivre en huis-clos,
elles se sont inventés une routine, des rituels qui les éloignent de plus en
plus de toute vie sociale. Alors lorsque leur cousin Charles arrive un jour et commence à prendre la place de leur défunt père, un nouveau drame couve.
Un roman prenant !
C'est titine qui m'a donné envie.
(éd.
Payot-Rivages, traduit par Jean-Paul Gratias, 2012)
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