Contrepoint - Anna Enquist
"Symbiose. Ce mot exprimait le mieux ce que ressentait la femme quand elle portait encore la fille en elle. Le partage d'une circulation sanguine, d'une régulation thermique, d'un réglage des flux. Sentir chacune les mouvements et les changements de position de l'autre et, à peine consciemment, en tenir compte. (...) Nous chantons le même air, à l'unisson. Si seulement cela pouvait durer." (p.45)
photo : Denise Boomkens |
Pour tenter d’enfin
surmonter le décès de sa fille de vingt-sept ans, une pianiste étudie les Variations
Goldberg de Jean-Sébastien Bach. Elle compare les versions, les
interprétations et, se faisant, fait remonter à la surface de sa mémoire
les souvenirs de la vie de sa fille, de celle de sa famille avant le drame. Des
souvenirs qui vont des plus simples gestes du quotidien à ceux de vacances en
Suède (le pays du mari violoncelliste), des rires aux larmes, des difficultés de sa fille
a trouver sa voie, à être enfin indépendante, à gérer sa vie par elle-même.
C’est un très
beau livre, bouleversant, que ce roman d’Anna Enquist. J’ai beaucoup aimé et ce
dès les premières pages. En musique, le contrepoint désigne la superposition de
deux ou plusieurs lignes mélodiques. Dans son roman, l’auteur superpose la vie
de la femme avant et après le drame, tout en mêlant ses réflexions sur les
trente-deux variations de Bach, les possibilités d’interprétation et la vie de
Bach. J’ai beaucoup aimé, à la fin, la brève incursion narrant la douleur de
Bach à la mort de son fils Bernhard (c’est à la suite de cet événement qu’il
composera cette œuvre), qui fonctionne comme un écho au récit de la femme.
J’ai aimé la
sobriété et la pudeur de l’écriture. Une belle preuve de ce que l’art peut
apporter à la vie, dans les moments heureux comme dans les épreuves.
Hautement recommandé,
vous l’aurez compris ! J'ai tellement aimé que j'ai écouté la version du pianiste Cédric Pescia pendant ma lecture, et j'ai ressorti ma partition des (modestes) inventions à deux et trois voies de Bach.
Anna Enquist (pseudonyme
de Christa Widlund-Broer, née en 1945 à Amsterdam) a une double formation de
pianiste et de psychanalyste. Ses premiers textes (poésie) ont été
publiés en 1991. Sept de ses romans ont été traduit en français. D’elle, j’ai
également lu Le retour, axé sur la
vie de l’épouse de l’explorateur britannique James Cook (1728-79). Je l’avais
aimé, bien qu’un peu long pour moi sur un sujet qui m’intéresse quand même bien
moins que la musique.
(éd. Actes Sud, traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin, 228 pp., 2010 - éd. originale 2008)
Commentaires
Dominique: merci, à toi aussi !
Cécile: j'ai entendu parler de "Le chef-d'oeuvre" qui semble génial ! Je note donc, surtout si tu as aimé.
J'ai aimé Le retour ; c'est une écrivaine intéressante!
Je te souhaite un e bonne année, de belles lectures!
Claudia: merci pour les voeux.
Niki: je suis sûrement naïve mais... tu peux lire le néerlandais ? Ou le néerlandais de Belgique est différent de celui des Pays-Bas ?
Belle année 2014 à toi!