Esprit d'hiver - Laura Kasischke
"Tatty avait un teint superbe, qu'on aurait dit de porcelaine. Sauf que la porcelaine était plus blanche que la couleur de la peau de Tatty, qui avoisinait plus celle de la bisque de langoustines - ou tout du moins celle que la mère de Holly préparait. Un peu plus grise que l'os. Plus crème que l'ivoire. Crème mélangé à une goutte de violet. Dans certaines lumières et sur certaines photos, on décelait même un soupçon de bleu pâle sur le visage de Tatiana - un peu plus sombre aux tempes, sous les yeux. Parfois ses lèvres donnaient l'impression qu'elle émergeait tout juste du fond glacé de la piscine.
Holly n'avait jamais vu de teint aussi beau. Elégant. Légèrement exotique. Mais la lumière blafarde ne lui convenait pas, ni la lueur du téléphone portable." (pp.75-76)
source : site elle.fr |
Après avoir vu le film "La vie devant ses yeux" (V. Perelman, 2008) adapté du roman éponyme de Kasischke, j'avais très envie de lire cette écrivain, car j'avais beaucoup aimé le film. Mais je n'avais pas réussi à accrocher à son style (je crois que le roman était La couronne verte). Déçue et un peu frustrée, car à chaque fois que je lisais un billet sur vos blogs, j'avais envie de lire le roman de Kasischke présenté. Et puis, en octobre dernier, Golovine m'a offert ce roman pour mon anniversaire. Comme il se passe le matin de Noël, j'avais décidé de le garder pour ces vacances. Qu'en dire ? Lu et approuvé ! J'ai beaucoup aimé.
Dès les premières pages, j'ai accroché. L'histoire débute très gentiment, banalement pourrait-on dire. C'est le matin de Noël, il est 10 heures et Holly et Eric viennent à peine de se lever, ce qui est tard puisque lui doit aller chercher ses parents à l'aéroport et elle doit préparer le repas de Noël. Leur fille adoptive Tatiana, qu'ils sont allés chercher treize ans plus tôt en Sibérie, est levée et, son père étant parti en vitesse, elle reste à la maison avec sa mère. Dehors, un blizzard, une tempête de neige s'est levée, rendant la circulation très difficile. Même si elle n'est pas très joyeuse au départ, l'ambiance va rapidement devenir difficile, lourde, mystérieuse, légèrement angoissante entre la mère et la fille qui semblent ne plus se comprendre.
Ce qui est très habile, c'est la façon dont Kasischke installe cette ambiance, justement. Par petites touches, sans gros effets, avec des dialogues en apparence normaux bien que souvent avec une pointe d'acidité de la part de Tatiana.
Le roman est plutôt court (270 pages) mais je pense qu'il aurait encore gagné en efficacité en l'étant un peu plus. Attention, je ne dis nullement que je me suis ennuyée mais un moment donné, je trouvais quand même que les choses étaient un peu lentes à se mettre en place, étant donné que j'avais lu sur vos blogs qu'il y a un retournement de situation dans les dernières pages. Et je me demandais bien ce qui pourrait se retourner puisque je ne voyais rien de très spécial dans ce que je lisais. Ok, ok, je ne dois pas être très sensible. Cela dit, les deux dernières pages, qui dévoilent le rebondissement, m'ont quand même un peu laissée dubitative, car j'avoue être complètement passée à côté des petits indices apparemment disséminés dans le texte. Je m'attendais plus à un vrai effet de surprise comme, p.ex. dans Il faut qu'on parle de Kevin de Lionel Shriver. Il faudra que j'y repense.
Cela dit, j'ai bien apprécié ma lecture et j'espère bien que ce n'est pas le dernier roman de Kasischke que je lis.
Merci à Golovine pour cette découverte !
(éd. Christian Bourgois, traduit par Aurélie Tronchet, 2013)
Commentaires
Manu: oui, on a tous nos favoris d'un auteur. Je note "Rêves de garçons".
Cécile: non, j'ai remarqué une coquille et la traduction m'a semblé bien. Essayez !
Kathel: très léger bémol :-)
Niki: il y a un début à tout ;-)
Claudia: tu as tout à fait raison concernant sont "usage" de la violence psychologique. Son texte n'a "l'air de rien" mais c'est violent psychologiquement - un peu comme les films de Bergmann, je trouve.