Angoisses - Stefan Zweig


Bal à l'hôtel-de-ville de Vienne / Wilhelm Gause, 1904 - source : wikimedia commons
Irène Wagner, une jeune femme de la bourgeoisie viennoise, la trentaine, mariée, deux enfants, a une aventure avec un jeune pianiste. Plus par ennui et pour casser la routine de son confort que par réel amour. Mais dès les premières phrases, le lecteur comprend qu'Irène est saisie par la peur : d'être découverte, d'être déchue de sa place dans la société, d'être même reconnue dans la rue par une connaissance. Et alors qu'elle sort précipitamment de l'immeuble de son amant, elle est retenue par une jeune femme aux manières plutôt grossières qui l'accuse de lui avoir volé son ami/fiancé. Effrayée, Irène lui donne tout l'argent qu'elle a sur elle, ce qui est le début d'un chantage entre les deux femmes. Chantage financier qui enfle toujours plus et qu'Irène ne peut bientôt plus supporter et se retrouve contrainte de donner sa bague de fiançailles à un prêteur sur gages. Arrivera-t-elle à s'en sortir ? Quelles sont ses options ? Faire face à la maitre chanteuse si elle la rencontre, feindre l'erreur et l'ignorer superbement si elle est à ce moment-là en présence d'amis ? Avouer son infidélité à son mari qui (le lecteur l'apprend peu à peu) est avocat et profiter de moments de joies nouvellement (re)découverts avec ses deux jeunes enfants ? Ou tout oublier et se suicider ?

Les questions à la fin de mon résumé font un peu roman policier mais la nouvelle est construite sur ce mode. L'angoisse est présente dès le début et monte graduellement, retombe quelques instants, puis repart de plus belle. Ce procédé de Zweig est très habile. Le titre original, Angst, est au singulier mais cette nouvelle traduction française n'utilise pas le mot "peur" mais Angoisses au pluriel ce qui convient tout à fait, car comme le fait remarquer Jean-Pierre Lefebvre dans sa préface, Irène passe par plusieurs types de peur : frayeur puis angoisse, peur paralysante, angoisse toujours plus grande.

Je vous recommande d'ailleurs vivement de lire la préface très intéressante. Et son auteur a la bonne idée de demander au lecteur de la lire après la nouvelle pour lui éviter d'en dévoiler les rouages.

Adorant Zweig, je ne suis sûrement pas très objective mais je ne peux que vous recommander cette nouvelle d'une centaine de pages.

(éd. Folio classique, traduction de Bernard Lortholary, 2013. Publication originale : 1913)

Commentaires

keisha a dit…
Quand il s'agit de classiques, je lis les préfaces APRES, car souvent leur auteur juge malin de raconter tout l'histoire (eh oui, j'ai déjà été échaudée...) C'est bien que là l'auteur de la préface prévienne!
Sandrine a dit…
J'ai lu Zweig il y a longtemps, "Le joueur d'échecs" je crois, et n'y suis jamais retournée. Pas vraiment envie, malgré les multiples éloges un peu partout.
lewerentz a dit…
Keisha: c'est marrant car moi, pour les classiques, cela ne me dérange pas de connaître la fin ;-) Quoique... pour cette nouvelle, cela aurait été dommage.

Sandrine: je n'ai pas lu "Le joueur..." et je n'aime pas toutes ses nouvelles. "Lettre à une inconnue" et "24 heures...", p.ex., ne sont de loin pas mes préférées.
niki a dit…
lire les préfaces "après", est ingénieux, car certaines d'entre elles dévoilent parfois toute l'intrigue

de stefan zweig jen'ai lu que "marie antoinette" et "marie stuart" - j'ai encore pas mal livre de lui dans ma PAL
c'est un auteur qui fait l'unanimité en général
lewerentz a dit…
Niki: je n'ai lu aucun bio de Zweig mais "Marie Stuart" me tenterait bien.

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