Cassandra au mariage - Dorothy Baker
(4e
de couverture)
« Cassandra
et Judith Edwards, deux sœurs jumelles parfaitement identiques mais au
caractères très opposés, s’apprêtent à vivre une journée charnière dans leur
relation fusionnelle : le mariage de Judith. Après une année désespérante
de solitude, Cassandra, étudiante à Berkeley brillante mais névrosée, revient
auprès de sa famille pour cet événement qui la plonge dans une angoisse
profonde. En voiture vers le ranch familial, au pied des sierras, elle pense
aux différents subterfuges qu’elle pourrait mettre en œuvre pour saboter le
mariage. Tout au long de ce récit, concentré sur deux jours, Cassandra, aussi
égoïste et désespérée qu’attachante, explore les sentiments complexes qu’elle
éprouve à l’égard de sa sœur, les liens qu’elle entretient avec son père,
professeur de philosophie alcoolique à la retraite, et ses propres souvenirs,
hantés par le fantôme d’une mère disparue trop tôt. »
Dévoré,
littéralement ! J’ai adoré !
Pour plusieurs
raisons, la première étant le style qui m’a tout de suite beaucoup plus, simple
et clair, très évocateur, frais, énergique et pas du tout daté (l’édition
originale date de 1962) :
« J’avais
baissé la capote de la Riley et je sentais que j’étais en train d’attraper un
coup de soleil sur le nez et sur le front. Le lendemain, les journaux locaux
devaient annoncer que c’était le 21 juin le plus chaud depuis 1912. Si j’avais
su cela, je crois que je me serais encore arrêtée dans un bar et que j’aurais
remonté la capote avant de reprendre la route. Mais je n’en fis rien. Je ne me
souciais pas beaucoup de l’air que j’aurais. Une unique demoiselle d’honneur
n’a pas à redouter les comparaisons, elle n’a pas besoin d’avoir bonne
mine ; si elle a le front trop rouge et le nez qui pèle, tant mieux pour
la mariée. De toute manière, c’est celle-ci qu’on regardera. » (p. 27)
-« Je
suis si contente que tu te sois levée de bonne heure, je vais pouvoir profiter
un peu de toi, dit-elle comme entrée en matière. Il y a tant de choses dont
j’aimerais parler avec toi.
-
Pendant que tu m’as sous la main, dis-je, vas-y (…) de quoi voulais-tu me parler ?
-
Du mariage.
-
Quel mariage ?
-
Cassie, je t’en prie.
-
Oh ! c’est bon.
-
Tu ne crois pas que nous devrions inviter quelques personnes ?
-
Au mariage ?
-
Evidemment, au mariage. Judy veut que cela se fasse strictement entre
nous : toi, Jim, moi, Jack et elle. Mais il me semble que ce serait faire
affront à toutes nos connaissances.
-
Nous ne nous somme jamais beaucoup liées avec personne, pour autant que je m’en
souvienne.
-
Vous avez tout de même fait toutes vos études au lycée de Putnam. Vous êtes
sorties dans les premières.
-
Moi, peut-être. Judy était quatrième.
-
Quatrième, ce n’est pas une raison pour ne pas inviter ses professeurs, par
exemple Miss… Comment s’appelait-elle donc ? Celle qui s’intéressait
tellement à elle.
-
S’appelait ?
-
Cassie, je t’en prie.
-
C’est bon. Mais il faut bien se rendre à l’évidence : si on ne connaît pas
son nom on ne peut pas lui envoyer une invitation. » (pp. 146-7)
Une autre force
du roman, à mon avis, est que l’histoire se déroule sur deux jours. Enfin, ce n’est
pas tout à fait vrai, mais ça l’est pour les moments charnières - d’ailleurs, j’ai
trouvé la dernière partie un peu moins bonne. La première moitié du livre est
racontée par Cassandra, puis c’est Judith qui parle, et à nouveau Cassandra.
Les thèmes
identitaires (découvrir sa propre personnalité, sa place dans une famille, la
perte d’un de ses membres, la jalousie, l'amour-haine) sont intéressants et les personnages sont tour à
tour attachants, égoïstes, indécis et à nouveau attachants. Seule la grand-mère
(mon personnage préféré) est constante.
La dernière
raison pour laquelle j’ai aimé ce roman est qu’il m’a beaucoup fait penser à ma
sœur, à notre enfance. Nous ne sommes pas jumelles mais n’avons que deux ans d’écart,
nos anniversaires à une semaine près, et lorsque nous étions plus petites, nous
adorions « dire » que nous étions jumelles – même si on ne se
ressemble pas du tout ;-) Nous étions souvent habillées pareil (mais dans
des couleurs différentes) et nous nous inventions des histoires dans lesquelles
nous étions jumelles. Je pense d’ailleurs que ce roman plairait beaucoup à ma sœur
qui, contrairement à moi, connaît très bien la littérature américaine.
« Je
commençais à comprendre que depuis que j’étais arrivée je n’avais cessé de
faire deux pas en avant pour reculer de cinq. Quel mal je m’étais donné, quelle
résistance j’avais voulu vaincre !
-
Cassie… tu veux sincèrement m’en empêcher ? interrogea-t-elle enfin, après
un long silence.
La
question manquait de tact, et à mon tour je pris tout mon temps pour y
répondre.
-
Tu ne poserais pas le problème de cette façon si tu avais la moindre idée de ce
dont il s’agit réellement, dis-je. Personne ne peut arrêter personne. La question
est de comprendre la valeur des choses. Je ne voudrais pas t’empêcher de faire
quoi que ce soit, parce qu’il ne me viendrait pas à l’idée que je puisse avoir
à le faire. Tu ne mettrais pas délibérément le feu à la maison pour le plaisir
de la regarder s’écrouler avec tout ce qu’il y a dedans.
Elle
soupira puis, après un moment, dit, sans manifester aucune émotion :
-
Tu veux dire que tu t’écrouleras si je me marie ? » (p. 186)
Dorothy Baker
(1907-68) est née dans le Montana mais a grandi et vécu en Californie. En 1938,
son roman Le jeune homme à la trompette
(saga romancée du cornettiste de jazz Bix Beiderbecke) lui apporte la
célébrité. Son roman Trio (1943)
fait, par contre, scandale car il met en scène un trio amoureux formé d’un
couple lesbien et d’un homme. Cassandra
au mariage est son dernier roman.
(éd. Robert Laffont, coll. Pavillons poche, 2013)
(photo auteure : site web Culturmag.de)
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