Bernadette a disparu - Maria Semple
Bernadette Fox a
été une brillante et prometteuse architecte une vingtaine d’années plus tôt,
mais ne pratique plus depuis l’arrêt d’un de ses projets et son départ pour
Seattle avec son mari Elgin, brillant chef de projet chez Microsoft, et leur
fille Bee, quinze ans, collégienne surdouée qui a deux rêves : être
interne dans un lycée de la côte est des Etats-Unis, et faire un voyage en
Antarctique avec ses parents. Cette croisière, ses parents la lui avaient
promis si son bulletin scolaire était bon (oui, je sais, ils sont tous
brillants, dans cette famille ;-).
Devant le fait
accompli, Bernadette commence a organiser l’expédition de chez elle. Il faut
dire qu’elle est devenue angoissée, asociale et associable. Agoraphobe et
hypocondriaque, parano, elle ne sort pratiquement jamais de chez elle et
délègue toutes ses tâches ménagères et financières à une assistante virtuelle
basée en Inde. Elgin est très occupé à son travail mais lorsqu’il apprend un
accident survenu chez sa voisine et dont sa femme est responsable, il commence
à comprendre que Bernadette est en train de perdre la tête et souhaite la
placer dans une institution de repos pour quelques temps. Mais Bernadette
réussit à s’enfuir et part faire la croisière qu’elle redoutait tant et
disparaît - aucune trace d'elle au retour du paquebot. Bee ne veut croire que sa mère est décédée et part à sa recherche,
rassemblant peu à peu les pièces de la vie de sa mère à la fois névrosée et
géniale.
Ce roman est une
bombe ! Un concentré d’énergie, de rythme, d’humour, de satire ; j’ai
beaucoup aimé ! Il mélange lettres, e-mails, extraits de rapports
médicaux, compte-rendu de conférence (d’Elgin), et récit de Bee qui condense et
rassemble le tout. Au début, j’avais un peu peur de m’y perdre mais c’est
tellement drôle, décapant et enlevé que je n’arrivais plus à lâcher le
roman ! (j’avoue quand même être rapidement passée sur certaines pages en rapport avec l'architecture).
Les personnages oscillent entre dingos, farfelus et touchants, c’est parfait.
Vivement
recommandé !
Extrait :
« De :
Bernadette Fox
A :
Manjula Kapoor (il s’agit de l’assistante virtuelle)
Il
y a un an que je n’étais pas descendue en ville. Je me suis tout de suite
souvenue pourquoi : le stationnement payant.
Non
seulement il faut réussir à trouver une place (bonne chance !), se garer
en épi en marche arrière (celui qui a inventé cette technique devrait être jeté
en prison), trouver un horodateur qui n’est pas assiégé par un cercle aussi menaçant
que répugnant de mendiants/clochards/drogués/zonards, ce qui vous oblige à
traverser la rue, or vous avez oublié votre parapluie (c’est encore une fois
vos cheveux qui trinquent, mais bon, comme vous avez arrêté de vous préoccuper
de votre coiffure vers la fin du siècle dernier, c’est le cadet de vos soucis),
ensuite vous glissez votre carte bancaire dans la machine (c’est un petit
miracle si vous réussissez à en trouver une qui n’a pas été bouchée à l’époxy
par quelque mécontent malintentionné), vous retournez à votre voiture (en
repassant devant la horde susmentionnée, qui vous interpelle parce que vous ne
leur avez pas donné la pièce en arrivant – et, oh, j’ai oublié de dire qu’ils
sont tous flanqués de chiens galeux !), vous déposez le ticket à la bonne
place (faut-il le mettre côté passager, à cause de la règle de l’épi en marche
arrière, ou du côté du conducteur ? Je lirais bien la note inscrite au
revers du ticket de stationnement, seulement je ne peux pas, car FRANCHEMENT
QUI EMPORTE SES LUNETTES POUR VOIR DE PRES POUR SE GARER ?) et, pour
couronner le tout, vous priez le dieu auquel vous ne croyez pas d’avoir encore
la capacité mentale de vous souvenir de la raison pour laquelle vous êtes
descendue en ville en premier lieu.
A ce stade, je regrettais déjà qu’un terroriste tchétchène ne puisse me tirer une
balle dans le dos. » (pp.
77-78)
Maria Semple (née en 1964) est une romancière et scénariste américaine. Diplômée de Barnard College (Columbia University), elle travaille comme journaliste puis comme scénariste (entre autres "Mad about you"). Bernadette a disparu est son second roman. Je vous recommande vivement d'aller voir son site qui est à l'image de son livre : excellent !
(éd. Plon, 2013 - titre original : Where'd you go, Bernadette, 2012)
(photo auteure : site web de la North country public radio)
Commentaires
Keisha : ça pétille ! c'est exactement le mot ! Bravo pour ton billet !
Cathulu : oui, décidément ! Bravo à toi aussi pour ton billet.
Kathel : je ne manquerai pas de venir lire ton billet !
Merci à toutes pour votre passage