Nous étions les Mulvaney - Joyce Carol Oates
Qui peut mieux que Judd, le fils cadet de la famille Mulvaney et narrateur de ce roman, décrire les Mulvaney ?
Page 13 du roman … Nous étions les Mulvaney, vous vous souvenez ? Vous croyiez peut-être notre famille plus nombreuse ; j'ai souvent rencontré des gens qui pensaient que nous, les Mulvaney, formions quasiment un clan, mais en réalité nous n'étions que six : mon père Michael John Mulvaney ; ma mère Corinne ; mes frères Mike et Patrick ; ma soeur Marianne et moi... Judd.
De l'été 1955 au printemps 1980, date à laquelle mes parents durent vendre la propriété, il y eut des Mulvaney à High Point Farm, sur la route de High Point, onze kilomètres au nord-est de la petite ville de Mont-Ephraim, Etat de New York, dans la vallée de Chautauqua, cent dix kilomètres au sud du lac Ontario.
High Point Farm était une propriété bien connue dans la vallée - inscrite plus tard aux Monuments Historiques - et "Mulvaney" était un nom bien connu
Longtemps vous nous avez envié, puis vous nous avez plaints.
Longtemps vous nous avez admirés, puis vous avez pensé Tant mieux !... ils n'ont que ce qu'ils méritent.
"Trop brutal, Judd !" dirait ma mère, gênée, en se tordant les mains. Mais j'estime qu'il faut dire la vérité, même si elle fait mal. Surtout si elle fait mal …
Longtemps vous nous avez admirés, puis vous avez pensé Tant mieux !... ils n'ont que ce qu'ils méritent.
"Trop brutal, Judd !" dirait ma mère, gênée, en se tordant les mains. Mais j'estime qu'il faut dire la vérité, même si elle fait mal. Surtout si elle fait mal …
Plein d’énergie, déterminé à se faire une place dans la société, le père (Papa, le Bouclé, Capitaine, Grincheux) dirige son entreprise de couverture avec beaucoup de compétence. Il est fier de sa réussite sociale. La mère Corinne (Maman, Sifflet, mon chou, mon cœur, gâteau en sucre) très amoureuse de son mari, adore ses enfants qui le lui rendent bien. Elle est une femme originale, rustique et fantasque, mais avec beaucoup de classe. Mike le fils aîné (Mickey junior, Le Mulet, numéro 4, le patriote), étincelle au sein de l’équipe de foot, Patrick (PJ ou Pinch) est un génie précoce, atypique et désabusé pourvu d’un quotient intellectuel hors norme. Marianne (Bouton ou Mésange) est une belle jeune fille douce, sage et réfléchie, mignonne, radieuse et incapable de mentir, dit sa mère Corinne, très populaire au sein de son école. Tout le monde rêve d’être son ami. Le cadet de la famille, Judd (Bébé, Fossette, Ranger) n’a que dix ans lorsque les Mulvaney doivent quitter définitivement High Point Farm. Il sera, par la plume de Joyce Carol Oates, le narrateur du bonheur perdu.
En 1976, la légende Mulvaney vole en éclat. Marianne est victime d’un viol aggravé. Le coupable ? Le fils d'un ami du père. Pour la famille, commence alors une lente descente aux enfers. Il n'y aura pas de procès, car Marianne refuse de témoigner. Elle avait bu et ses souvenirs sont vagues et imprécis. Le père n’arrive pas à se pardonner. Il n’a pas su la protéger pense-t-il. Sa vue lui est un reproche vivant et il va la bannir de sa vie. Elle sera envoyée chez une vague tante dont elle est plus la servante que la parente. Les autres enfants ne pardonneront jamais à leur père, pas plus qu’à leur mère d’ailleurs, le bannissement de Marianne et, inexorablement, on assiste à la dissolution de cette famille idéale, sa mise au ban de la société bien pensante de Mont-Ephraim, les amis qui n’appellent plus, les bonjours fuyants et pressés. Très croyantes, Corinne et Marianne trouvent quelque réconfort dans la pratique de leur religion.
Au fil des pages, avec tristesse et empathie, on assiste à la lente dégradation de cette cellule familiale idéale. On a mal pour et avec les Mulvaney mis à terre, qui à titre individuel et collectif, ont à faire face à leur sentiment de culpabilité, de rancœur, et à leurs remords. Ce n’est que par euphémismes que le viol est évoqué dans la famille ; ce sera « le drame », « les évènements », « ce qui s’est passé ».
J’ai aimé d’amour les protagonistes de ce roman, décrits par Joyce Carol Oates avec justesse et précision. C’est donc avec ravissement que j’ai vu à quel point ils étaient tous, à part le père peut-être, le plus douloureusement touché, capables de résilience. Ça m’a rendue heureuse comme si ce n’était pas un roman, mais des gens que je connaissais et que j’aimais.
4e de couverture … Joyce Carol Oates épingle l’hypocrisie d’une société où le paraître règne en maître et érige en roi les princes bien pensants ; où un sourire chaleureux cache souvent un secret malheureux ; où il faut se taire, au risque de briser l’éclat du rêve américain.
Un mot encore afin de vous rendre attentifs aux magnifiques descriptions des lieux, de la maison, des paysages, des saisons, des animaux, des lieux environnant.
MA CHRONIQUE NE VOUS DONNE PAS DU TOUT ENVIE DE LIRE LE LIVRE ?
DEPASSEZ CA, JE VOUS EN PRIE ET LISEZ NOUS ETIONS LES MULVANEY !
Vous ne le regretterez pas, de ça je suis sûre
Biographie de Joyce Carol Oates
Editions stock : couverture du livre
Evene : biographie de Joyce Carol Oates, sa photo
Commentaires
j'ai ce titre en tête depuis longtemps et ton billet ravive mon regret de ne pas l'avoir encore lu
Je note ce titre, merci.
Vous avez raison Maggie, JCO excelle à disséquer le rêve américain et son scalpel est acéré !
Sabio, serait-ce PETITE SOEUR MON AMOUR ? Ce que vous en pensez m'intéresse.
Merci de ton incursion Lewerentz. Bonne reprise pour demain. As-tu eu mon message sur ton portable ou n'ai-je pas le bon numéro ? Amitiés.
Joyce Carol Oates.. un de mes écrivains préférés. Et j'ai lu 'Nous étions les Mulvaney' il y a 1 ans environ et l'histoire m'avait vraiment marqué!
Les Mulvaney sont attachants, oui, mais bizarrement ils me sont restés un peu extérieurs, comme si Oates elle-même n'avait pas vraiment cru à leur "bonheur" originel.
Enfin, c'est un bon livre d'un grand auteur, alors le conseil est de toute façon avisé !!!