Beaucoup de bruit pour rien - William Shakespeare
Alléchée par le challenge Shakespeare organisé par Maggie et Claudia qui proposent de lire une/plusieurs pièce/s et de voir une adaptation filmée, ni une ni deux, je me suis dis que c’était l’occasion rêvée pour relire cette pièce et revoir le film de Kenneth Branagh.
Beaucoup de bruit pour rien se déroule à Messine, dans la maison de Leonato qui reçoit don Pedro et sa suite de retour d’une campagne victorieuse durant laquelle s’est particulièrement distingué Claudio. A peine arrivés, Benedict, un des compagnons de don Pedro, et Beatrice, la nièce de Leonato, et se livrent à leur habituel jeux de railleries sur l’amour et le mariage. Claudio, lui s’éprend d’Hero, la fille de Leonato. Don Pedro la courtise et la demande en mariage pour lui lors d’un bal masqué. Mais don Jean, le demi-frère de don Pedro, jaloux de Claudio, veut empêcher le mariage et décide de faire passer Hero pour une "débauchée" au moyen d’une mise en scène truquée pour Claudio. Le stratagème réussit, don Jean s’enfuit, et le jour du mariage, Claudio l’accuse d’être une catin et la refuse. Hero s’évanouie et tous la croit morte. Seuls Béatrice et le frère Francis prennent la défense de la jeune fille et décident de laisser croire qu’Hero est morte de chagrin en attendant de trouver qui a lancé ces accusations calomnieuses. De leur côté, Bénédict et Béatrice, grâce à une ruse de leurs amis, se croient amoureux l’un de l’autre. Béatrice lui demande de tuer Claudio et Bénédict le provoque en duel. C’est alors que la révélation est faite du coup monté par don Jean et de son arrestation. Pour se racheter, Claudio accepte d’épouse la nièce de Leonato qui arrive masquée à l’autel. Démasquée, il découvre qu’il s’agit bien d’Hero et la pièce se termine sur leur mariage et celui de Benedict et Béatrice qui, après d’ultimes railleries, acceptent de s’unir.
Cette comédie date de 1600 et baigne dans une atmosphère festive, allègre, malgré quelques passages plus sombres. A côté d’Othello ou Hamlet, l’histoire peut sembler assez tarabiscotée, invraisemblable, voire confuse et ressembler à une farce. Pourtant, les dialogues, particulièrement ceux entre Bénédict et Béatrice sont croustillants, vifs, spirituels, brillants, pétillants et "witty" à souhait. Un vrai régal ! Comme le remarque Geoffrey Bullough (cf. ci-dessous), leur couple est parallèle et opposé a celui de Claudio et Hero : les premiers sont d’abord séparés puis se rapprochent, ce qui est l’exact inverse des seconds.
Extraits
(Beatrice :) I wonder that you still be talking, Signor Benedick. Nobody marks you.
(Benedick:) What, my dear Lady Disdain ! Are you yet living ?
- Is it possible disdain should die while she hath such meet food to feed it as Signor Benedick ? Courtesy itself must convert to disdain if you come in her presence.
- Then is courtesy a turncoat. But it is certain I am loved of all ladies, only you expected. And I would I could find in my heart that I had not a hard heart, for truly I love none.
- A dear happiness to women. They would else have been troubled with a pernicious suitor. I thank God and my cold blood I am of your humour for that. I had rather hear my dogbark at a crow than a man swear he loves me.
- God keep your ladyship still in that mind.
(…)
- Foul words is but foul wind, and foul wind is but foul breath, and foul breath is noisome, therefore I will depart unkissed.
- Thou hast frighted the word out of his right sense, so forcible is thy wit. (…) And I pray thee now tell me, for which of my bad parts didst thou first fall in love with me ?
- For them all together, which maintain so politic a state of evil that they will not admit any good part to intermingle with them. But for which of my good parts did you first suffer love for me ?
- Suffer love – a good epithet. I do suffer love indeed, for I love thee against my will.
- In spite of your heart, I think. Alas, poor heart. If you spite it for my sake I will spite it for yours, for I will never love that which my friend hates.
- Thou an I are too wise to woo peaceably.
Les mêmes en français
(Béatrice :) Je m’étonne que vous continuiez à parler, signor Bénédict, puisque personne ne vous prête attention.
(Bénédict :) Quoi ! chère demoiselle Dédain ! Encore de ce monde ?
- Est-il possible que meurt le dédain tant qu’il peut se nourrir d’aliments aussi appropriés que le signor Bénédict ? La courtoisie elle-même doit se muer en dédain si vous paraissez devant elle.
- En ce cas la courtoisie est une renégate. Il est pourtant avéré que je suis aimé de toutes les femmes, hormis vous seule ; et je voudrais en m’examinant le cœur découvrir que je n’ai pas le cœur dur, car en vérité je n’en aime aucune.
- Grand bonheur pour les femmes, car autrement elles eussent été ennuyées par un néfaste prétendant. J’en rends grâces à Dieu et à la froideur de mon sang : je suis comme vous sur ce point ; j’aime mieux entendre mon chien aboyer contre une corneille qu’un homme jurer qu’il m’aime.
- Puisse Dieu entretenir en vous, madame, ce sentiment !
(…)
- Sur quoi je vais t’embrasser.
- Des paroles insultantes ne sont que vent empoisonné, et le vent empoisonné n’est qu’une haleine empestée, et une haleine empestée est odieuse, donc je partirai sans me laisser embrasser.
- Tu as fait perdre leur sens aux mots en les effrayant, tant tu as l’esprit vigoureux. (…) Alors, je te prie, dis-moi maintenant lequel de mes défauts t’a le premier fait tomber amoureuse de moi ?
- Tous à la fois, car ils entretiennent une si parfaite entente dans le mal qu’ils ne permettent à rien de bon de se mêler à eux. Mais pour laquelle de mes qualités avez-vous pour la première fois souffert d’amour pour moi ?
- Souffert d’amour – belle expression. Je souffre d’amour en vérité, car je t’aime contre mon gré.
- Contre votre cœur, je crois. Hélas ! pauvre cœur ! Si vous le malmenez par affection pour moi, je le malmènerai par affection pour vous, car jamais je n’aimerai ce que hait mon ami.
- Nous sommes, toi et moi, trop perspicaces pour nous courtiser paisiblement.
Le film de Kenneth Branagh (sorti en 1993) est très fidèle à la pièce et le couple qu’il forme avec Emma Thompson (des les rôles respectifs de Bénédict et Béatrice) fonctionne à merveille. Le film est une vraie bouffée d’air frais énergétique, et pourtant il y a plusieurs choses que je déteste en principe comme les ralentis. Mais le tout est si léger, enlevé, vivant, gai, coloré et joyeux que c’est un pur bonheur pour les yeux et les oreilles. Par ailleurs, la musique de Patrick Doyle est une merveille et le casting irréprochable.
Image Shakespeare : site web memo.fr
Photo film K. Branagh : site web allocine.fr
Commentaires
le théâtre est fait pour être joué et j'ai du mal à le lire mais le voir là c'est un bonheur
Je suis un peu en retard mais demain je mets le lien vers ton blog. Bravo pour cette participation.
Si tu reviens sur le blog de temps à autre, tu verras qu'il doit beaucoup aussi à ma co-blogeuse, Golovine.
PS : Je ferai les mises à jour des liens ce w-e.
Merci pour ta participation...