Dernière lettre à Théo - Metin Arditi
Comment vivent les enfants mis, par leurs parents, en situation de « ressusciter » un enfant mort ?
Le fait de prénommer les enfants comme leurs aînés disparus relevait d'une tradition courante dans les familles à une certaine époque.
Malgré et peut-être grâce à leurs souffrances et à leurs difficultés identitaires, certains de ces "enfants de substitution" sont devenus célèbres.
Ce fut le cas, entre autres, de François René de Chateaubriand, de Ludwig van Beethoven, de Stendhal, de Camille Claudel, de Rainer-Maria Rilke, de Hermann Hesse, d’Adolf Hitler, de Salvador Dali, d’Adèle Hugo et aussi, de Vincent van Gogh.
Malgré et peut-être grâce à leurs souffrances et à leurs difficultés identitaires, certains de ces "enfants de substitution" sont devenus célèbres.
Ce fut le cas, entre autres, de François René de Chateaubriand, de Ludwig van Beethoven, de Stendhal, de Camille Claudel, de Rainer-Maria Rilke, de Hermann Hesse, d’Adolf Hitler, de Salvador Dali, d’Adèle Hugo et aussi, de Vincent van Gogh.
Intimement lié à son frère Théo, de quatre ans son cadet, Vincent van Gogh échangera avec lui d’innombrables lettres.
Ainsi, avant de se suicider, dans l’imaginaire et sous la plume de Metin Arditi, Vincent écrira-t-il à Théo sa dernière lettre.
Je vous recommande vivement la la lecture de ce grand petit livre de quarante-deux pages, pesant à peine quarante grammes, mais qui ne manquera pas de vous habiter durablement.
Page 9 … « A quoi bon, Théo ? Tout à l’heure, ce sera fini. C’était fini depuis toujours. Depuis avant que tu ne viennes au monde. Tu te souviens, à la maison ? Il allait et venait en silence, comme s’il glissait sur le sol. Quand il me croisait, il avait l’air surpris. Avec le temps, il aurait pu s’attendre à me voir. Mais non ! Il disait toujours : Ah, c’est toi, et il poursuivait sa glissade. Son regard n’était pas méchant. Non, il était déçu. »
Page 25 … « Aime-moi, papa. S’il te plaît. Serre-moi dans tes bras, embrasse-moi, papa, ôte ta redingote, enlève ton gilet, jette-le à travers la pièce, prends-moi dans tes bras. Aime-moi comme tu aurais aimé l’autre, pardon pour tout, mais aime-moi. Dis-moi que tu es heureux de me serrer dans tes bras. Ne me lâche pas, arrête ton regard dans le mien, plonge-le dans mes yeux, déverse-le comme une liqueur, qu’il coule en moi, qu’il me pénètre comme un os, papa, qu’il me tienne d’une pièce de haut en bas. »
Page 34, 35 … « Je fais ce rêve, Théo. Je marche dans la rue, il y a un homme, debout, il regarde devant lui, je m’approche, mon cœur bat fort, je m’approche tout près, c’est père, Théo, je passe devant, exprès, deux, trois fois. Rien, il ne bouge pas. Alors je pleure, Théo, j’éclate en sanglots, je le pousse de toutes mes forces. Il tombe, il s’étale, il lâche un cri. »
Page 34, 35 … « Je fais ce rêve, Théo. Je marche dans la rue, il y a un homme, debout, il regarde devant lui, je m’approche, mon cœur bat fort, je m’approche tout près, c’est père, Théo, je passe devant, exprès, deux, trois fois. Rien, il ne bouge pas. Alors je pleure, Théo, j’éclate en sanglots, je le pousse de toutes mes forces. Il tombe, il s’étale, il lâche un cri. »
Page 38 … « C’est du savoir-mourir le suicide, un certificat d’existence qui vient après coup, tard, mais bon, comme un papier de notaire qui dirait : Je certifie que Vincent existe. Même s’il est mort. En fait, il existe depuis qu’il est mort. Mais quel Vincent ? Lequel des trois ? Celui qui est venu avant moi, pendant quelques semaines ? Le vrai Vincent, notre frère, mort le 30 mars 1852, jour pour jour une année avant ma naissance ? Ou alors Vincent ton fils, Théo, qui aura six mois dans quatre jours ? »
Dans une de ses lettres à Théo, Vincent van Gogh écrivait :
« Depuis que je suis au monde, je me sens comme dans une prison. Tout le monde me prend pour un inutile et pourtant j’ai quelque chose à faire. Je sens que je suis né pour faire quelque chose que personne d’autre que moi ne pourrait faire. Mais quoi ? Mais quoi ? Je ne parviens pas à le savoir. »
Tu ne le savais pas, pauvre Vincent ? Mais nous, nous le savons, comme le savaient ceux qui nous ont précédé et comme le sauront ceux qui viendront après nous. Heureusement !
L’auteur
Né en 1945 à Ankara, Metin Arditi vit à Genève. Ingénieur en génie atomique, il a enseigné à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il est le président fondateur de la Fondation Arditi qui, depuis 1988, accorde des prix et bourses aux gradués de l'université de Genève et de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il est également président de l'Orchestre de la Suisse romande. Il est l'auteur de plusieurs récits et essais, publiés aux éditions Zoé et chez Actes sud.
En principe, j’aime tout ce qu’il écrit et ai déjà assisté à plusieurs de ses conférences. Il est très charismatique.
(éd. Actes sud, 2005)
Commentaires
bises